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Portrait - Page 11

  • A chacun sa recette

    Elle dévorait ses amants. Ceci n'est pas une métaphore. Elle les mangeait réellement. Mais pas tous de la même façon. Elle avait une vision culinaire pour cuisiner chacun d'eux selon l'histoire vécue. Si le prétendant lui avait donné du fil à retordre et s'était montré particulièrement rustre, elle le grillait à point et l'agrémentait d'une sauce très pimentée parfumée au whisky Jack Daniel's sur son barbecue Alice's garden. Si le bien-aimé s'était révélé doux et dévoué, elle le laissait mijoter amoureusement pendant quatre heures, parfumant le bouillon d'aromates variés (graines de fenouil, curcuma, coriandre, citron séché, cumin noir... ) qu'elle prenait soin de commander en ligne sur le site d'une boutique bio engagée dans l'agriculture durable. La viande était alors fondante et les arômes explosaient successivement en bouche au moment de la dégustation. Elle retrouvait alors la tendreté de l'homme qui l'avait serrée dans ses bras durant  quelques mois.

    Elle n'avait eu de cesse, les vingt dernières années de sa vie, de perfectionner ses recettes les plus savoureuses et avait créé des plats inédits dignes des plus grands chefs. Les clients du restaurant qu'elle avait fini par ouvrir glorifiaient les dons exceptionnels de la cuisinière sur les blogs et les sites de gourmets. Elle s'attira une clientèle riche et gourmande et élit même quelques amants parmi les gastronomes en visite.

    Le petit livret que l'on découvrit sous son matelas après sa mort contenait toutes les recettes consignées depuis le début de son entreprise. Chaque plat était baptisé d'un prénom masculin. On ne sut jamais quelle viande elle utilisait. C'était le secret qu'elle n'avait jamais dévoilé à la presse. 

    Le manuel de l'ogresse se vendit aux enchères à prix d'or.

  • une chic fille

    Qu’est devenue cette fille de la fac à qui son petit ami (un grand blond fade, riche, étudiant en Droit qui se constituait un book « pour devenir mannequin à Paris ») offrait régulièrement des soins esthétiques ?

    Pour ses 20 ans, un chèque pour un gonflement des lèvres, pour sa fête, un bon pour une liposuccion, pour sa réussite aux partiels, une augmentation mammaire…

    Elle était sortie un été avec Patrick Bruel qui l’avait baladée quelques jours sur un scooter à Saint-Tropez puis sautée quelques nuits dans une chambre d’hôtel de luxe. Elle s’en souvenait avec nostalgie.

    Son idéal féminin était Vanessa Paradis. Elle en imitait toutes les tenues, les coupes de cheveux, les poses et connaissait ses chansons par cœur. En fait, elle ressemblait à Caroline Cellier, mais je l’avais vexée quand je le lui avais dit. « Elle est vieille ».

    Les filles en Kickers l’avait surnommée « bébé pouffiasse ».

    Une chic fille, quoi qu’il en soit, qui usait les talons de ses escarpins griffés dans les escaliers des amphis de Lettres modernes tandis que nous y trainions nos semelles de Converse.

    Un jour, elle nous a invitées chez son copain. Il m’a engueulée parce que je m’étais assise sur une chaise qui n’était « pas faite pour s’asseoir ».  Toute chose était sa place.

  • histoire triste

     

    Il passa son existence à cultiver une grande suspicion à l'égard du bonheur. Il rejeta assidûment loin de lui toutes les possibilités de plénitude et de repos des sens et de l'esprit que lui offraient des rencontres heureuses et impromptues. Il toisa avec défiance les êtres les plus bienveillants et s'amouracha systématiquement de créatures hostiles et cyniques qui finissaient par le laisser comme mort dans le caniveau cafardeux de son destin. Quand il se relevait, toujours plus boursouflé d'amertume et d'aigreur, il maudissait les arbres, les oiseaux, les ciels d'été, les femmes et les enfants. Comme il se piquait de poésie et de littérature, il écrivait alors de méchants textes confus sur la vacuité de toute chose qui remportèrent, un temps, un honorable succès auprès de contemporains chagrins et bilieux. Chaque pouce levé nourrissait son acariâtreté.

     

    Puis, ses poses ténébreuses finirent par lasser même ses plus fidèles lecteurs.

     

    Il mourut un soir de coupe du monde et prit le temps de maudire une dernière fois, les klaxons, les chants victorieux, les cris d’allégresse et la foule humaine dans une parfaite indifférence générale.

     
    image : Les écorchés, tête d"écorché. 1964. Bernard Buffet
  • éternel féminin

    L'ami,

    de femme à homme, n'as-tu pas l'impression qu'ils sont un peu lisses tes hommages au corps féminin, à la beauté du corps féminin, à l'éternel féminin ? N'as-tu pas l'impression qu'il manque justement de CORPS, ce corps (faussement) vénéré ? Celui que tu donnes à voir ou que tu  écris.

    Il est photogénique, désirable, politiquement correct. C'est un décor poli.

    Bon, mais ce n'est pas si grave.

    Car un jour, Reggiani a chanté ça. Et ça a suffi. C'était en 1969. Je n'étais pas née mais il disait déjà que tous les corps de la vie d'une femme sont aimables. J'ai découvert cette chanson à 20 ans. Elle m'a soulagée pour le reste de mon temps.

    Elle a balayé les vilénies de Ronsard et de sa rose.

    Et c'est elle qui me fait sourire devant ton "éternel féminin", l'ami...


     

     

     

     

     

     

     

     

  • recette

    En pratiquant quotidiennement la préparation pour coloration capillaire de mes clientes, j'améliore la qualité de ma pâte à crêpes car, pour les deux types de mélanges, le secret est dans l'élimination absolue de toute trace de grumeau
    me confie la coiffeuse du salon
    le jour de mon anniversaire.

  • coupe-papier

    Enfant, elle œuvra avec obstination pour devenir la préférée de ses parents qui n'eurent de cesse de manifester leur amour inconditionnel à sa sœur cadette. Adolescente, elle tenta par tous les moyens d'attirer l'attention du père de sa copine Bénédicte qui lui préféra Katia, la petite rousse aux belles hanches de sa classe de 2nde. Jeune fille, elle consacra ses deux années de maîtrise de lettres classiques à créer une tension érotique entre elle et sa professeure de littérature comparée qui s'éprit de sa meilleure amie, Louise, moins brillante mais globalement plus spectaculaire. Adulte, elle déploya toute son énergie à conquérir, séduire, charmer un mari flegmatique qui finit par la quitter, au bout de deux ans, pour sa cousine Gabrielle. Encore femme, elle dépensa toute son ardeur vitale à devenir la favorite du gourou de sa communauté qui élit, sans surprise, la plus jeune et la plus jolie du phalanstère. Vieille dame, elle s'ingénia longtemps à séduire un charmant retraité de la Banque Postale qui lui avoua son amour pour un vieil ex-chanteur de rock qui se teignait les cheveux en acajou.

     

    A 22 heures, le 2 février 2024, elle poignarda à 18 reprises son vieux monsieur des Postes avec un coupe-papier subtilisé dans la salle des courriers de la maison médicalisée.

    Pour dernière faveur, elle aurait demandé aux employés la permission de passer toute la nuit avec le corps de son amoureux RIEN QUE POUR ELLE. On lui devait bien ça.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     photo : Alex Chatelain, Shirley Goldfarb chez Lipp, 1974.

     

  • relation libre

    - Et alors là, hier soir, il me propose une " relation libre ". Il me dit comme ça : " Qu'est-ce que tu penserais d'une relation libre ? "
    - Qu'est-ce que t'as répondu ?
    - Qu'est-ce tu veux que je réponde ? Moi, je suis du genre à passer les menottes et à avaler la clé !
    - Tu l'as quitté ?
    - Non. Je lui ai dit que j'allais réfléchir. L'amour est fait de compromis, tu sais bien.
    - Je sais pas pourquoi mais je la sens pas très bien cette nouvelle histoire...
    - Judith, tu fais rien qu'à me saper le moral, comme à chaque fois. Laisse-moi gagner ma résilience comme je veux. Jalouse, va.

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Silences et chuchotements

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    Il était mort en s'excusant de son dernier râle, qui, peut-être, aurait eu l'importunité de gêner ses voisins de chambrée.
    A sa naissance, déjà, il n'avait pas osé le seul cri que chacun peut s'autoriser dans une vie sans craindre les froncements de sourcils de ses contemporains.
    Entre les deux extrémités de son existence, tout n'avait été que silences et chuchotements (ce dont aucun être humain ne lui sut jamais gré).
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    image : Bernard Buffet, Le Buveur, 1948
  • Livret de développement durable

    Le jour de notre premier anniversaire de rencontre, elle m'a demandé de couper mes cheveux. A l'époque, il y a deux ans, je les attachais en une espèce de catogan informe qui seyait mal à ma qualité de cheveux fins selon elle. J'avais adopté cette technique de coiffage en 1989, l'année de l'obtention de mon baccalauréat, et je n'en avais jamais changé.

     

    - Tes cheveux sont filasses, Michel, tu devrais les couper

     

    Elle a insisté pour le faire elle-même. Je m'inquiétais de la quantité de cheveux que je voyais tomber sur mes épaules et surtout de l'aspect final de la coupe car la question de la frange, entre autres, est délicate, chacun le sait. Ma mère m'a longtemps coupé les cheveux et j’arbore sur toutes les photos jaunies de moi entre trois et quinze ans une frange droite et trop courte qui s'accorde d'année en année de plus en plus mal avec la forme oblongue d’un visage au menton pointu. J'ai vu tomber ma chevelure terne par mèches jusqu'à me découvrir un crâne quasi lisse. Elle semblait très satisfaite de ma nouvelle tête. Elle jubilait même. Je serai un nouvel homme, cette coupe marquerait le début d'une nouvelle ère dans ma vie professionnelle, les gens manifesteraient plus de respect à mon égard. Je n'étais pas convaincu (je ne me suis d'ailleurs jamais habitué à ces cheveux coupés à ras qui me donne l'air d'un évadé du goulag) mais elle avait l’air si heureux.

    C'est six mois plus tard qu’elle a exigé que je muscle le haut de mon corps car elle me trouvait trop fluet. Mes jambes et mes fesses étaient assez musculeuses, mais mon torse lui donnait l'impression de serrer un corps de petit garçon maigrelet et ça la rendait nerveuse. Elle voulait sentir du muscle sous les mains quand elle m'agrippait pendant l'acte. Elle disait l'acte. Tu es prêt pour l'acte ? et elle me chevauchait sans attendre la réponse. Elle grimpait et enfonçait mon sexe semi-dur dans son vagin, puis elle saisissait mes pectoraux et les tambourinait en alternance. J'aurais voulu parfois changer de position mais chaque tentative était vaine. Elle me rabrouait violemment et se finissait toute seule en se frottant sur mon ventre quand je ne parvenais plus à durcir. Toute tentative de rébellion tardive semblerait grotesque aujourd'hui. Je dois avouer, d'ailleurs, que ce scénario m'a parfaitement arrangé lors de nos premiers rendez-vous sentimentaux et sexuels. Je n'étais pas homme à prendre des initiatives. Mon tempérament timoré m'a toujours éloigné des postes à responsabilité et ma vie intime ne venait pas contredire cet état de fait. Lorsque nous avons emménagé ensemble quelques mois après notre rencontre sur le site Adopteunjules, Clémence n'a pas eu de difficulté à imposer son règlement intérieur dans notre logis, à tous les niveaux d'organisation de notre vie amoureuse. 

     

    - Ton buste n'est pas assez puissant, tu dois le renforcer, tu vas finir par ne plus m'exciter.

     

    Elle a programmé des séances de musculation et s'est désignée comme mon coach particulier. Quand je lui ai fait remarquer que je ne lui connaissais pas de dispositions spéciales d'entraineuse sportive, elle m'a semoncé brutalement. Elle se sentait tout à fait capable de créer des exercices spécialement conçus pour moi en s'inspirant de tutos de youtubeurs. Il fallait que j'y mette du mien si je voulais continuer de lui plaire. Il n'était pas question que je me laisse aller. Tu sais bien que j'éprouve un grand mépris pour ces hommes qui, sous prétexte de vivre en couple depuis quelques mois ou années, se permettent de laisser pousser du gras ou de négliger des parties de leur anatomie en considérant comme acquis le regard désirant de leur compagne. Elle n'était pas femme à se contenter d'un ersatz de mâle. Elle voulait du dur et du lisse. D'ailleurs ces poils épars sur mon corps la débecquetaient. Elle a fini par me l'avouer un an plus tard.

     

    Elle m'a alors voulu imberbe de la tête aux pieds.

     

    Elle a entrepris de m'épiler complètement avec une substance fabriquée par elle. Elle a trouvé sur internet une recette de cire orientale au musc de chevrotain mais la matière s'étant avérée trop peu adhésive, cette séance d'épilation intégrale avait duré treize heures durant lesquelles j'avais la sensation que mon corps se détachait en lambeaux à chaque arrachage de bande. L'épilation de la base de mon pénis, de mes bourses et de mon anus avait été un supplice pendant lequel elle chauffait toujours plus la cire afin qu'elle adhérât mieux, sans succès. Mes gémissements ne faisaient qu'exaspérer son impatience à me voir enfin totalement glabre. J'avais fini la journée brûlé au 3e degré sous son regard exaspéré. Mais elle était parvenue au résultat espéré. J'étais lisse comme un galet du Havre.

     

    - Badigeonne-toi de margarine si tu veux apaiser la sensation de brûlure. Moi, je vais me coucher, cette journée m'a épuisée et on ne peut pas dire que tu m'aies beaucoup aidée avec tes réflexes de chochotte. Je suis très déçue de ton attitude.

     

    Elle m'avait fait la tête durant quelques jours, le temps de la cicatrisation, puis avait voulu considérer son œuvre. Elle en a été tellement réjouie qu'elle m'a plaqué au sol et s'est agitée convulsivement au-dessus de moi en manifestant à haute voix son contentement de me voir à présent si musclé et si poli. Elle regardait tour à tour ma poitrine et la base de mon sexe imberbe et a été prise d'un long orgasme un peu effrayant.

    Son regard sur moi est resté concupiscent durant quelques jours encore. Elle se léchait littéralement les babines quand elle me croisait dans l'appartement et me mettait systématiquement la main aux fesses quand j'étais penché sur l'évier pour faire la vaisselle. Elle m'a permis, même, pendant ce court temps d'idylle d'utiliser la télécommande et de choisir le programme du soir pendant lequel elle tripotait rageusement mon sexe à travers le pyjama écossais offert en témoignage de son nouvel élan amoureux.

    La lune de miel n'a pas duré longtemps. Les mois suivants ont été une succession de manifestations  d'indifférence à mon égard et de réprimandes banales représentant le quotidien de toute vie de couple, je suppose. Elle était mon unique expérience en la matière. Je n'ai même jamais vécu en colocation durant mes années étudiantes. Mon unique compagnon de vie a longtemps été un chat acariâtre offert par une voisine qui avait voulu s'en séparer car il mettait sens dessus dessous son appartement, déchirait ses affiches, mutilait ses livres, griffait ses vêtements, pissait dans ses chaussures, ses sacs et son grille-pain, attaquait sauvagement ses invités, sautait sur le sexe de ses amants endormis. Elle n'en pouvait plus et m'avait supplié de le prendre chez moi car elle n'avait pas cœur de l'amener à la SPA où il serait certainement piqué car personne ne voudrait l'adopter. Je me suis laissé attendrir par ses arguments qui laissaient entrevoir une âme charitable dans un joli corps émouvant. Elle ne m'a jamais plus rendu visite et a déménagé. La personnalité psychotique du chat a fini par m'éloigner du peu d'amis que j'avais alors. J'ai vécu 8 ans avec lui, jusqu'à ce que je rencontre Clémence qui a posé comme immédiate condition à la poursuite de notre relation la disparition de la bête : elle est allergique à tout poil animal. Je m'en suis séparé. Il vit à présent dans le jardin de ma mère qui refuse de le laisser entrer dans sa maison. Il m'arrive, bizarrement, de regretter aujourd'hui sa présence hostile et malveillante. Huit années de vie commune ce n'est pas rien.

     

    - Je ne supporte plus ton visage.

     

    Elle avait beau se concentrer, à présent, sur le reste de mon corps pendant l'acte, elle finissait toujours par revenir vers son extrémité et ne voyait plus qu'une forme franchement démoralisante.

     

    - C'est bien simple, Michel, je ne peux plus jouir.

     

    Elle ne me regardait plus en face quand elle me parlait. Si, par hasard, elle m’apercevait dans le reflet d'un miroir (c'est arrivé un jour), elle sursautait et mettait la main devant sa bouche en signe de nausée incontrôlable. J'avais de la peine pour elle. Je ne m'étais jamais trouvé très attirant et, à présent, son joli visage délicat, ses grands yeux violets voyaient enfin l'homme si peu affriandant que j'étais et je ne donnais pas cher de ma condition privilégiée d'homme désiré si je continuais d’exhiber cette figure banale. Je savais que son acteur préféré était Michaël Fassbender. Elle avait plaqué partout dans la chambre des affiches et photos de lui, notamment au-dessus du lit, et je la soupçonnais de s'aider de ces images pour parvenir à l'orgasme depuis que son aversion pour mes traits s'était manifestée de manière irréversible. Je ne pouvais l'en blâmer après tout. Une femme aussi raffinée qu'elle méritait le meilleur d'un homme. Son beau corps de 45 ans n'aurait pas de mal à trouver un nouveau compagnon de vie. J'en avais conscience. J'étais sa cinquième histoire sérieuse. Les hommes qu'elle avait rencontrés avant moi sur Adopteunjules s'étaient tous très mal comportés avec elle. Des salauds, des violents, des manipulateurs, des pervers-narcissiques qui l'avaient fait souffrir et avaient fini par la dégoûter de l'espèce virile.

     

    - Toi, Michel, tu es différent, je le sais, je vais pouvoir gagner ma résilience à tes côtés. Débarrasse-toi de cet infâme chat et cherchons un appartement près de mon lieu de travail. Tu seras un peu loin du tien, c'est vrai, mais je pourrai prendre en charge notre intendance et le confort de notre habitat pour que tu n'aies à t'occuper de rien le soir quand tu rentreras fatigué de ta journée de travail et de ta longue route. 

     

    Je rentrais, en effet, après 1 h 30 de trajet, exténué de ma journée de travail, dans un quartier dans lequel il était impossible de se garer, mais le repas était rarement prêt et Clémence était de moins en moins présente prétextant des cours de salsa ou de pole-dance avec les copines de son service. L'idée qu'elle ait un amant commençait à chatouiller mon imagination. Elle ne parvenait plus à s'habituer à ma tête, il ne fallait pas que je laisse dégénérer la situation.

    J'ai prétexté un stage professionnel d'un mois pour lui réserver la surprise d'un nouveau visage à son goût. Elle a eu du mal à me laisser partir mais a fini par accepter à cause de la promotion alléchante à l'issue de la formation.

     

    J'ai vidé mon livret de développement durable.

     

    Je suis revenu de mon séjour dans une clinique de Budapest en sosie de son acteur préféré. Elle a été si enthousiasmée de la métamorphose qu'elle a pris un congé de trois semaines pour rester enfermée dans notre appartement afin de profiter du nouvel homme. J'ai perdu mon travail car je n'ai pas osé demander un nouveau repos après mes quatre semaines d'absence dans l'entreprise. Mais ces jours ont été les plus délicieux de ma vie. Elle m'appelait sa créature, n'en finissait pas d'admirer mon corps, de passer ses petits doigts fins et manucurés sur mon visage et ma peau. Elle m'a demandé de changer de prénom. Michaël, c'est cela qu'il me fallait, à présent. J'acceptai volontiers, je n'avais jamais aimé le prénom choisi par ma mère.

     

     

    Depuis, quelques jours, son regard sur moi s'est de nouveau endurci. Elle dit revoir les traits de Michel sous ceux de Michaël. Cela la gêne.

     

    - Quelque chose a raté dans cette opération chirurgicale. Tu as dû choisir un médecin au rabais, tel que je te connais. Ton menton pointu est bien toujours le même qui me nargue sournoisement. Ton indifférence à mon bonheur est parfaitement désolante. J'ai tellement fait pour toi. Tu ne vaux pas mieux que tous les hommes que j'ai connus avant toi, j'en viendrais presque à regretter René qui m'en a pourtant fait tellement baver.

     

    Je n'ai pas osé lui dire pour mon travail. J'attends le moment propice. Je lui cause déjà bien assez de soucis comme cela.

     

     

     

    photographie : Frédéric Fontenoy (http://www.fredericfontenoy.com/)

  • Métamorphose

    La première fois que j'ai vu ce pli, ici, je me suis dit que ça devait être une erreur. Je pensais ça va passer. Je me suis interdit de regarder cet endroit pendant trois jours. Ne regarde pas et tu verras, dans trois jours, ça aura disparu. C'est ce que j'ai fait. Mais, au bout de trois jours, la chose était encore là. Et, même, le phénomène s'était intensifié. Un vrai sillon profond, bien décidé à exister complètement et à prendre ses aises dans l'espace qu'il avait commencé d'occuper.

     

    Après l'histoire du pli, tout s'est enchaîné très vite. Mais à une vitesse tellement fulgurante que j'ai pensé à une plaisanterie. D'ailleurs, au moment précis où tout cela s'est déclenché, j'ai cru à une grande farce générale et orchestrée. Une sorte de caméra cachée de l'existence, voyez-vous ?

     

    Cette partie là s'est avachie, ensuite. Tout d'un coup. Brutalement. Ah mais si, je vous assure, brutalement. J'ai même ressenti physiquement l'avachissement, très précisément. Attendez, je peux vous retrouver la date... Voilà, j'ai noté : "Lundi 17 janvier 2018 à 17 h 44 : avachissement de la partie droite inférieure sur 20 cm. Sensation brutale et soudaine TRÈS DESAGREABLE confirmée par vision partielle de la surface dans le miroir de la salle de bain". Je ne vous mens pas. D'ailleurs, tout est consigné dans ce journal. Je veux que cette expérience serve de témoignage. Je l'ai voulu dès que j'ai senti que ça n'allait pas s'arrêter, là et qu'au contraire, tout ne pouvait qu'empirer. J'ai acheté ce carnet Moleskine exprès (le petit format, noir, à lignes portées) et j'ai noté, jour après jour, puis heure après heure, et enfin minute après minute (puisqu'il en est ainsi à présent) la détérioration foudroyante de toute la surface du corps.

     

    Le lendemain du 17 janvier, la partie inférieure gauche s'est écroulée. Puis, ce fut le tour de toute la partie supérieure de l'anatomie. En quelques jours. La peau des bras (voyez : 21 janvier 2017, 04 h 55), d'abord le gauche, puis le droit. Deux pauvres longs bâtonnets difformes et flasques.  Ensuite, le haut du buste : une ride verticale est partie du bas du cou et a cheminé jusqu'au milieu de la poitrine. Elle s'est d'abord dessinée verticalement, puis s'est creusée en profondeur en quelques minutes. A proximité, des centaines de petits sillons ont soudain foré la peau tandis que celle-là même s'effondrait et rendait bientôt méconnaissables les deux seins qui, autrefois (c'est-à-dire, il y avait quelques jours à peine) étaient encore de petites pommes appétissantes et fermes. (Une amie chère m'a dit depuis, que ses seins qui ressemblaient il y a peu à de "petites mignardises" s'étaient transformés en une nuit "en de minuscules pruneaux secs").

     

    Hier, mercredi 7 février, j'ai assisté impuissante, à la sortie de ma douche matinale, au blanchissement instantané de tous mes poils pubiens.

     

    Je pourrais vous lire la liste exhaustive de toutes ces dégradations quotidiennes mais je crois que cela vous ennuierait. Je vous vois d'ailleurs commencer à bâiller. C'est bien normal. Cependant, comme la désagrégation de mon visage a lieu à présent, au moment-même où nous parlons, je vous invite à observer par vous-même l'opération sauvage de désintégration finale. Tenez, je sens, en cet instant présent, ma paupière gauche fléchir et ramollir. Prenez le temps d'examiner le phénomène. C'est étonnant, non ? Oui, vous avez raison, c'est un processus aussi déconcertant que captivant. Ah, j'étais sûre que je finirais par vous intéresser. La métamorphose a toujours été l'un de mes thèmes préférés en littérature, voyez-vous.

     

    Mais l'expression de votre visage m'inquiète un peu. J'y vois de l'effroi, me trompé-je ? Je n'ai pas besoin de me regarder dans une glace pour savoir que le tableau achevé de la décomposition existe enfin. Vous en êtes le premier spectateur. Remarquez bien, je ne sais pas si c'est une aubaine, pour vous. A 16 h 35, vous êtes reçu par une femme mûre (on dit cela ?) mais encore présentable ; vous repartirez avec l'image d'une vieillarde définitivement abîmée... un vieux squelette en putréfaction, si vous restez trop longtemps ! Excusez-moi, je ne peux m'empêcher de rire à cette idée. Sauvez-vous vite avant que je ne me démembre littéralement sous vos yeux. Allez ouste !

     

    OUSTE.

     

     

     

     

     

    Illustration : Histoire de Merlin, France (Poitiers), 1450-1455. BnF, Français 96, fol. 62v

  • Prohibition


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  • NOP

    Je ne prends pas de cours de Pole dance, je ne prends pas de cours de salsa, je n'aime pas les affiches pour la fête des mères sur lesquelles un enfant dit J'ai une maman Rock'n'roll, je n'ai pas de tatouage, je n'ai pas de piercing, je n'aime pas me mettre minable avec les copines divorcées, le samedi soir (ni le vendredi ni le mardi même), je n'aime pas vomir, je n'aime pas la bière, je n'ai jamais fait de soirée sex-toy, j'écoute du rock'n'roll mais je ne suis pas rock'n'roll, je ne comprends pas l'épilation intégrale, je n'aime pas le mot sexy, je ne dis pas la phrase Les hommes, tous les mêmes, je ne suis pas une killeuse, je ne suis pas une MILF, je ne suis pas accroc au sexe, si j'aime Bukowski, ce n'est pas parce qu'il est alcoolique et borderline, je ne rencontre pas d'hommes sur Tinder, j'aime les vieilles chansons italiennes sirupeuses, j'aime être complètement dépendante en amour et j'aime travailler dans mon lit.

    Bref, je crains bien être une femme de 48 ans extrêmement ennuyeuse pour la plupart de mes contemporains hommes et femmes, me dit-elle.

  • tatouée

    La cicatrice, là, qui ne bronze jamais, sur mon genou droit, c'est la chute à vélo à l'âge de 10 ans, un médecin de campagne qui me recoud à vif en me disant de ne pas faire ma chochotte, cette cicatrice, là, sur la paupière gauche, c'est l'accident de voiture à l'âge de 25 ans, les éclats de verre du pare-brise qui explosent au visage, 19 points de suture à l'Hôpital Saint Luc-Saint Joseph, celle-ci, sous le sein, c'est l'extraction d'un fibrome-adénome, celle-là... je ne me souviens plus, c'est bizarre... celle-là, sur le haut du front, c'est une cicatrice de varicelle, là, sur le bras droit, c'est le BCG, et là, tu vois, près de mon nombril, c'est une tache de café de naissance, une marque ancestrale, de l'art tribal. Ah, et j'allais oublier, les cicatrices de griffures de chat qui apparaissent et disparaissent méthodiquement sur mes chevilles et mes poignets.

    Alors, qu'est-ce que je ferais d'un tatouage, tu peux me dire ?

  • station Sans-Souci

    La femme-araignée (c'est ainsi que les élèves l'ont baptisée) fait la manche, ligne D. Ses genoux sont inversés.

    Elle se déplace sur ses tibias, retournés à l'intérieur, formant un angle droit avec ses cuisses.  Elle glisse sur des chaussons de fortune qu'elle a confectionnés avec des tissus amoncelés, pour ne pas sentir le frottement du sol contre sa peau. Elle se fraie un chemin dans le couloir du wagon en s'aidant  des barres verticales.

    Même à l'heure de pointe.

    Elle oblige les gens à bouger.

    Elle oblige les gens à la regarder.

    Elle déstabilise les pensées du quotidien et ramène la foule à la vision de sa difformité, de sa monstruosité.

    Elle s'arrête devant l'un, tend son gobelet de piécettes, et attend le regard. Elle reste là, quelques secondes, longues, quémande avec un accent Rom, penche la tête sur le côté comme le ferait un enfant pour attendrir.

    Elle sait qu'elle n'est pas un enfant attendrissant.

    Elle sait le dégoût, la répulsion, la honte qu'elle inspire.

    Les mères et les pères tentent de tourner les poussettes dans la direction opposée quand elle arrive à leur hauteur. Ils appréhendent le mouvement bien avant qu'elle ne se campe devant eux. Mais les bébés tournent la tête, intrigués. Elle caresse leurs cheveux.

    Elle est polie et téméraire.

    Brave et fière.

    Elle sourit.

    Elle n'a pas d'âge.

    Elle pose ses mains à terre, prend appui sur ses pieds baroques et descend à la station Sans-Souci.

    Elle est l'héroïne superbe d'un film d'horreur de série B, la créature insolente du métro qui vient assidument ébranler nos univers indolents.

     

     

     

     

     

     

    photographie : Ella Harper, femme-chameau et bête de foire (1886)

  • Lundi de Pâques

    Au parc de la tête d'or,

    l'enfant de 11 ans dit à ses parents, Regardez l'hippocampe ! en pointant du doigt un pélican (ils ne sourcillent pas),
    le panda roux fait exprès d'être si mignon qu'on a envie de le kidnapper au lasso (mais être si joli cache certainement quelque chose de pas net),
    le père de famille se fait disputer par sa femme car il a pris une gaufre caramel salé alors qu'elle avait BIEN dit chocolat-caramel (il baisse la tête comme son fils de 3 ans),
    la panthère d'Amour, s'il n'y avait pas la baie vitrée, sauterait à la gorge du monsieur qui fait des selfies avec sa perche devant la cage (oui, certainement),

    dans ma bouche, la barbe à papa a le goût d'un lundi de Pâques à qui tout réussit (et qui le sait un peu trop, le brigand).

     

     

     

     

    image : Joe Webb, The Cloud Eaters

  • Distributeur

    Barnabé, non, laisse faire ta sœur, d'abord. C'est elle qui met la carte bleue dans le distributeur. Après, toi, tu composeras le numéro, d'accord ? Allez, Joséphine. Tu introduis la carte dans la fente, là. Oui, c'est bien.... Voilà... Ah non, tu l'as mise à l'envers, regarde, ça ne peut pas fonctionner. Ce n'est pas grave, mon cœur. Recommence, tu vas la remettre correctement. Attends, je te montre... comme ça... voilà. C'est TRÈS bien, Joséphine. Non, Barnabé, attends, ne pousse pas ta sœur, ça va bientôt être ton tour. Non, Barnabé, ce n'est PAS BIEN. Tu fais mal à ta sœur. NON. Si ça continue, tu ne composeras pas le numéro comme je te l'ai promis... J'attends que tu te calmes... j'attends.... j'attends. Tu es calme ? C'est bien, mon cœur. A présent, tu peux composer les chiffres de la carte. Je te les dis à l'oreille.... Oui... voilà... oui... TRÈS BIEN, Barnabé... oui... Ah non ! Oh, tu t'es trompé... ce n'est pas grave, on va recommencer... tu appuies sur le C, là. Bien. On recommence... Oui....bien... oui.. et... OUI ! BRAVO, Barnabé ! Tu as vu Joséphine comme ton frère est grand ? Non, Joséphine, c'est maman qui récupère la carte. Toi, tu peux prendre les billets... Oui, Joséphine, tu as été très grande toi aussi. Bravo Joséphine. Je suis fière de vous deux. Oui, mon cœur. Oui, mon cœur. Oui, moi aussi je t'aime. Oui, Barnabé, on y va.

    La mère croix-roussienne n'en a absolument rien à foutre de ta tête de file d'attente à bout de patience, elle est bien trop occupée à fabriquer consciencieusement de grands névrosés à vie, en toute impunité.


    Vont-ils aller se faire exploser en Syrie ou ailleurs, à l'adolescence ? On ne sait.

  • Petite poème pour une sirène

    Je connais une sirène tatouée

    très belle

    avec de longs cheveux

    elle descend dans des abysses que nul ne connaît

    elle y côtoie les poissons-lanternes

    qui effraient tout le monde

    sauf elle

    elle les caresse du bout des doigts

    ils se frottent à elle comme des poissons-chats

    vous les dites laids elle les dit rois

    c'est la reine des sirènes

    tout l'océan vous le dira

     

    Mais elle sait aussi les clairières et les bois

    les bidonvilles et les cités

    la sirène y console les vivants

    y apaise les morts

    un jour la camarde même

    pourtant peu encline aux cérémonies

    lui fit révérence

     

    Par quel mystère sur terre continue-t-elle à nager ?

     

    Le secret se trouve quelque part dans le ressac

    la magie blanche

    et le noir clair de la matière.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Photographie Laurence Loutre-Barbier

     

  • Prehistoric women

    Quand il recommençait à faire froid, qu’elle chouinait à cause du message « SYNCHRO KO » sur sa SFRBOX, de la file d’attente à la caisse du super U ou du sac de litière éclaté devant la porte du local poubelles, elle s’obligeait à penser à la vie des femmes du Paléolithique et, précisément, à SA référence de LA femme préhistorique : Martine Beswick dans PREHISTORIC WOMEN (1967).
    La vie n’avait pas l’air facile-facile à cette époque. Ce dieu-rhinocéros blanc avec sa grosse corne belliqueuse, les mâles en rut ininterrompu, les bikinis en peaux de bêtes inconfortables, la chasse en toutes saisons, la gestion compliquée d’une ethnie de blondes au brushing impeccable réduites en esclavage et fomentant une rébellion perfide… tout cela la consolait provisoirement de sa condition de femme moderne et elle reprenait courageusement les choses en main.
    Appeler le 1023 pour cette histoire de box...

  • Le scaphandrier

    Quoi qu'il en soit

    elle avait décidé de vivre ses lundis matin avec élégance.

  • Fabienne Swiatly

    Fabienne,

    Je dois te dire quelque chose.

    J'ai un chat, tu ne le connais pas encore : il s'appelle Buster Keaton. Mais c'est trop long, alors on dit Buster.

     

    Ce chat n'a pas très bonne réputation dans le quartier. Il ne tolère que les gens de son clan. Et, il choisit de manière très péremptoire qui a le droit d'entrer dans sa maison et qui doit rester sur le paillasson. Je ne sais pas s'il a une technique particulière mais le résultat est sans appel : il t'aime ou il ne t'aime pas. D'emblée. Et ça ne bouge plus. J'avoue que cela m'a mise dans des situations un peu difficiles vis-à-vis de gens que, moi, j'aime beaucoup.

     

    Mais, en même temps, je ne peux pas vraiment le blâmer car je suis un peu comme lui. Qui a déteint sur qui, en dix années de vie commune ?

     

    Toi, Fabienne, je t'ai aimée tout de suite, hier. C'est comme ça.

     

    Je te présenterai bientôt Buster. Moi, je l'aime bien ce fichu chat.

     

  • Grande.

    Petite, j'étais déjà grande. Mes copines de classe menaçaient de m'étêter quand elle ne pouvait pas voir le tableau à cause de ma tête qui dépassait. Je ne savais pas trop quoi faire de mes bras, de mes jambes. J'étais souvent recroquevillée quand j'étais assise, les jambes sous le menton, pour ne pas prendre trop de place. L'espace que j'occupais n'était pas celui que j'appréhendais dans mon corps. J'avais une nature de petite dans un corps de longue tige. "Grande girafe". Je ne dressais pas fièrement la tête. Non. Comme la plupart des grandes, au contraire, j'essayais de paraître moins verticale, moins encombrante, moins visible. A l'adolescence, ça s'est compliqué. Je regardais le monde d'un peu plus haut que les autres filles, ça me donnait l'air hautain. "T'as l'air prétentieuse". Contre le mur des salons, dans les boums, je regardais les couples improvisés se galocher pendant les slows. Si un garçon me regardait avec insistance, c'est parce que j'étais bizarre, ça ne pouvait pas être autre chose. J'enviais les filles dans la norme et les plus petites que les autres. Peut-être avaient-elles une essence de grande, elles ? Ça aurait été bien de pouvoir échanger nos carcasses, de temps en temps.

  • Aloe vera

    Il m'est apparu progressivement de plus en plus troublant de constater que le packaging des produits d'entretien ménager finissait par ressembler à celui des produits cosmétiques haut de gamme.

    Je résiste, pour ma part, de plus en plus péniblement à l'envie de m'enduire de gel vaisselle à l'aloe vera sous la douche, de me faire des gommages à la lessive en poudre bio, de me glisser dans un bain moussant de capsules nettoyantes citronnées, de m'envelopper du parfum orange-cannelle du désodorisant d'intérieur.

    Plus récemment, j'ai remarqué avec inquiétude que les croquettes pour chat trois étoiles commencent elles aussi à me faire de l’œil au petit déjeuner au côté de mes céréales préférées...

  • 5 janvier

    Tu crois que ça peut arriver une fille rohmerienne qui s'éprendrait d'une leg press dans une salle de sport ?

     

  • La chatte d'Istanbul

    Je ne suis pas celle qui attend. Je ne me cache pas dans les bois en patientant mon tour.

    Je ne me fais pas discrète.

    Je suis l'intranquille aux aguets, mon impatience est sauvage.

    Je tire droit, je tire de travers, trop vite, trop tôt. C'est fait.

    Est-ce que je m'en mords les doigts ?

    Je ne laisse pas l'inconnu approcher. Je le flaire à distance. Je le prospecte.

    Je passe mon chemin.

    Je suis la chatte d'Istanbul.

    Je sprinte entre les engins des rues pour te retrouver.

    En fin de course, je me jette dans toi tête baissée, mon quartier intime, mon clan. 

     

     

    Image tirée du film Kedi - Des chats et des hommes, Ceyda Torun

     

  • Les chaussures qu’Anabel a peintes puent la défaite.

    Trouées, dégueues, râpées, elles gisent. En France, on les jetterait. On irait de ce pas en acheter d’autres. Là-bas, elles marchent. Elles continuent à marcher même usées, parce de toute façon, y a pas le choix. C’est ça ou tomber raide, alors tant pis. Avancer malgré tout. Les poètes qui nous touchent écrivent comme ça. Comme des grolles tabassées par les chemins, les coutures mal en point et tout près de la déchirure finale. Ce qui sort de ce harassement, les jours de fête ? L’émotion... La blue note... Le feu du feu dans les boyaux... Oui, c’est peut-être ça que raconte le nom du blog... C’est peut-être aussi simple que ça, au fond... Placez donc un seau d’eau à vos côtés avant de lire. On sait jamais ce qui pourrait flamber... A très vite. Saludos.
     
    Laurent Bouisset, Marseille, le 13 août 2017

     

    http://fuegodelfuego.blogspot.fr/2017/09/nouveaux-delits-n18-special-guatemala.html

     


     

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  • Judith & Holopherne


    Speculum humanae salvationis, France 1470-1480 (Marseille, Bibliothèque municipale, ms. 89, fol. 30v)

     
  • Soierie

    Table d'à côté, deux femmes : C'est vrai que les hommes ne verbalisent pas beaucoup.

  • résolument

    Liste ambitieuse de résolutions à exécuter avant le nouvel an

     

    • tester la recette de "risotto automnal à la courge butternut" aimantée depuis 5 ans sur mon frigo,
    • maîtriser assez l'accord du participe passé des verbes pronominaux pour ne pas avoir à consulter la page 187 de mon Grevisse en cours (et, ainsi, emporter l'immense respect et révérence de mes étudiants),
    • me rendre plus de 6 fois à la salle de sport (à laquelle je ne suis pas encore inscrite)
    • m'inscrire, donc, dans une salle de sport,
    • lors du prochain vide-dressing entre copines n'acheter que des vêtements que je suis certaine de porter (pour éviter de me retrouver avec des trenchs rouges en skaï accrochés au porte-manteau depuis 5 ans),
    • changer radicalement de rire,
    • rire à propos,
    • dresser mon chat à ne plus me réveiller à cinq heure du matin à coups de patte répétés sur la bouche,
    • ne plus faire de plein au Super U quand j'ai faim (même problème que pour le vide-dressing),
    • dans les soirées, ne plus imposer La Java de Broadway aux personnes qui ne me veulent pas de mal.

     

     

     

     

  • Léonard

    Hier, j'ai tenu un tout petit bébé dans mes bras.

    Sur le canapé de ses parents, il m'a quiètement transmis toute sa force solennelle d'humain juste né. Je lui ai transmis, en retour, tout ce que je pouvais de fracas de tendresse et d'aspiration à user et abuser de la vie.

    Personne n'en a rien deviné sans doute. Mais ça s'est passé exactement comme ça.