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La Mare Rouge

  • écrire

    Mon rapport à l'écriture n'a pas beaucoup évolué depuis l'enfance. Cette activité était alors naturellement intégrée à ma journée de petite fille et je la pratiquais avec la même spontanéité que le saut à l'élastique dans la cour de récréation ou les virées à vélo avec la bande de copains du lotissement. Bref, pas de quoi en faire un plat. C'est plus tard que l'on m'a fait entendre qu'elle était affaire d'initiés. Cela semblait faire plaisir à beaucoup de monde alors je ne me suis pas mêlée de la conversation. Pourtant, quand je me mets à ma table d'écriture, encore aujourd'hui j'ai rendez-vous avec ce plaisir simple et, même s'il y obstacles, nœuds narratifs, bataille avec le mot, la tournure syntaxique, oui, je retrouve sans peine cette part de moi, innocente, familière, libre, instinctive. C'est pourquoi quand j'entends parler de "culpabilité" ou de "sentiment d’illégitimité" par rapport à l'écriture, je ne me sens pas concernée. D'aucuns verront cela comme une grande présomption, ils n'auront qu'à reprendre ce texte à son début.
     

  • Pas d'équerre paraît en librairie le 4 décembre 2023

     

     

    Comment, quand on est enseignante, écrire un livre sur l’école sans produire un « livre de prof » de plus, de ceux qui ne réservent aucune surprise sitôt lu leur quatrième de couverture, de ceux qui ne sont chroniqués que dans les pages « société » des journaux plutôt que dans leur supplément littéraire ?
    Comment décrire un monde en voie d’effondrement (celui du lycée professionnel achevé par une réforme en cours) sans tomber dans le pédago-déclinisme, sans jeter le bébé avec l’eau du bain ?
    Peut-être en étant tout simplement, et avant tout, une autrice.
    Judith Wiart signe donc « Pas d’équerre ». Recueil plus choral que ses deux précédents livres (« Le jour où la dernière Clodette est morte », « Les gens ne se rendent pas compte »*), à la structure plus complexe même si sa lecture en reste remarquablement fluide, l’autrice, sans user d’un « nous » démagogique, emploie un « je » de plus en plus élargi. Et propose son ouvrage le plus « politique » à ce jour.
    Le point de visée de l’autrice ? Croquer un monde qui meurt (à coup de « choses vues », et d’extraits de textes de réforme) à la pointe sèche, mais sans sècheresse de cœur. Son recueil, elle le dédie aux « élèves du lycée professionnel ». Et on rira, et on se laissera toucher à certaines pages, alors que nous croiserons les noms de La Fontaine** ou de Schubert.
    Avec ce « Pas d’équerre », Judith Wiart, capable de nous parler de stylo quatre-couleurs et de sprezzatura dans le même élan, réussit rien moins qu’un tour de force « sans en avoir l’air ». Certains appellent cela « l’élégance » ou « le style ».
     
    « Pas d’équerre » de Judith Wiart, Editions louise bottu
     
     
    ** : Les lecteurs fidèles de Judith Wiart ne seront pas surpris d’apprendre que l’une de ses influences les plus importantes reste celle des auteurs moralistes du XVIIe.

     

     

    En commande ici : https://www.louisebottu.com/shop

    En librairie, le 4 décembre 2023.

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  • épaule élue

    Bénédicte s’ennuie vite et partout. C’est pourquoi, quand elle arrive dans une soirée, sa première action consiste à repérer une épaule confortable sur laquelle elle pourra, le moment venu, poser sa tête pour somnoler à son aise. Là où elle est, elle se laisse bercer par des palabres aux vertus soporifiques portant sur les injustices sociétales, la politique nationale ou les dernières sorties littéraires. Parfois, elle commet un impair, l’épaule élue n’étant finalement pas tout à fait libre. Une femme s’insurge et cherche querelle. Cela peut s’avérer récréatif ; il se passe quelque chose. Elle fait semblant de s’intéresser à l’affaire quelques secondes mais l’ennui la rattrape aussitôt. Elle quitte alors l’assemblée en prenant poliment congé de son hôte (quand elle se souvient de qui il s’agit).

  • dragon ball z

    Chloé avait rendez-vous au café La Renaissance avec un quinqua qu'elle rencontrait pour la première fois.
    Elle le vit arriver de loin. Dressé sur une trottinette électrique. A l'intérieur d'un t-shirt Dragon Ball Z.
    Elle posa deux euros sur la table pour l'espresso et le pourboire, et s'enfuit tranquillement en empruntant la rue Montaigne.

  • malentendu

    Je n’ai jamais su dire gravement les choses graves.
    Je n’ai jamais su dire légèrement les choses légères.
    Je ne prends pas au sérieux le trop de sérieux.
    Je mets du rire, là où je pleure intérieurement à fendre l'âme.
     
    Ce travers est source de bien des malentendus.
    Je m’accommode parfaitement des malentendus.

  • CDI

    Lætitia, 45 ans, documentaliste, ni moche ni bonne, s'ennuie avec son gentil mari. Elle décide régulièrement de fantasmer sur les Titulaires en Zone de Remplacement de passage au collège. Ça occupe son esprit et son corps en dehors des projets pédagogiques.
    Elle les aime un peu lecteurs, un peu tatoués, un peu tourmentés, un peu ombrageux. Mais pas hyper-sensibles, comme ce dernier qui a failli se suicider en fin d'année scolaire parce qu'elle ne voulait pas quitter Charles. Une vraie poisse.
    Après tout, c'est elle la Bovary. Qu'ils aient l'élégance de lui abandonner cette prérogative.

  • ...

    Il riait de tout sauf de lui.

  • création ?

    Le photographe Oliviaro Toscani déclare dans une interview qu’être créatif, c’est être « rebelle », « ne pas suivre les consignes qu’on nous impose », « faire le contraire de ce que les gens du marketing nous disent de faire ».
    Pourquoi pas.
    Ce que je sais, c’est qu’être rebelle d'abord à soi-même, se méfier de ses propres consignes, savoir parfois faire l’exact contraire de ce qu’on a l’habitude de faire est beaucoup plus exigeant, rigolo et excitant au quotidien. Surtout si l'on applique ce précepte, non seulement à l'art mais à nos gestes et actions les plus ordinaires.
    Appelons ça l'auto-rébellion créative.
     
     
     
    photographie : Récursion de Mola Kucher

     

  • blabla 2023 (suite)

    Je décidai de parler pour ne rien dire et me rendis compte assez rapidement que cet exercice s’avérait moins difficile qu’il en avait l’air. Je m’en étais fait toute une montagne alors que je me révélais assez douée en un temps record, sans me vanter. Je commençai par évoquer les injustices mondiales en poussant des hauts cris indignés et en désignant les coupables du doigt, puis j’enchaînai avec les problématiques liées au dérèglement climatique (je n’y connaissais rien mais j’avais appris par cœur des termes savants que je lâchais de temps en temps dans la conversation et qui eurent leur petit effet sur mes interlocuteurs), enhardie par ma performance, je me mêlai avec joie à des controverses facebookiennes, je disputai avec des inconnus rageurs, j’avais des avis sur tout, j'exposais mes goûts et mes couleurs pendant des heures, je poursuivis l’entrainement en commentant longuement la polémique Sardou-Amarnet et le dernier clash houellebecquien, puis je finis ma journée en consolant une amie qui venait de subir une rupture à coup de sentences telles que « Un de perdu, dix de retrouvés » ou « Ce qui ne tue pas rend plus fort ». Pour une première, c’était un vrai succès.

     

     

    (texte publié en 2019 mais réactualisé chaque année pour le plaisir !)

  • Ruinart

    L’homme du rendez-vous, aussi bavard et ennuyeux qu’un volume de l’encyclopédie Universalis – récitait-il des fiches apprises par cœur ? - était un amateur de bière et de jeux de mots qui ne lui parla de Bukowski que pour faire référence à l’émission de Pivot.
    Il était fat sans talent.
    Bénédicte réprima un bâillement et leva la main pour commander une coupe de Ruinart blanc de blanc, seul champagne correct à la carte. Le léger froncement de sourcil de l’homme trahit une inquiétude fébrile au sujet du montant de l'addition. Le spécimen était d’une cohésion admirable. La deuxième coupe fut encore plus délectable que la première.

  • ...

    Dieu que le cerveau est bête. Dire qu'on s'y fie à chaque instant..

  • répondre

    Comment serais-je en colère ou déçue si je n’espère rien ?
    Je fais ce que j’ai à faire ; les choses vont leur cours.
    Je laisse la vie être inventive. Notre seul talent est de savoir lui répondre
    en temps et en heure.

  • Barbie

    Quand j'avais 6 ans je maltraitais mes Barbie. Ce n'était pas par méchanceté mais parce que leurs membres étaient raides, ne pliaient pas au moment où j'essayais de les habiller ou les déshabiller ; c'était très énervant. Comme je n'étais pas patiente, elles finissaient toujours avec un bras en moins. Ou une jambe. Et comme je ne savais pas quoi faire d'une Barbie unijambiste, je parfaisais mon œuvre en lui coupant les cheveux puis la tête. C'est sûr qu'après ça la mini jupe faisait beaucoup moins stylée...
    Je finissais par enterrer les morceaux dans mon jardin en priant très fort pour leur âme en plastique.

  • dodo

    Raoul aimait à donner son avis sur tout et n’importe quoi arguant du fait qu’il était un homme libre, honnête et franc. Blessait-il des gens ? Ils étaient tous des imbéciles. Lui demandait-on son opinion sur le monde ? Il se passait d’invitation. Son intelligence était supérieure, son goût sûr, sa vision essentielle. L’avantage avec Raoul, c’est qu’il n’avait besoin de personne pour deviser, il s’enjôlait lui-même (du genre à s'auto-liker sur Facebook), ce qui permettait à ses interlocuteurs de s’échapper sans mal ou de prendre un peu de temps pour eux. Bénédicte l’écouta quelques minutes pérorer sur la vie, la société, les femmes, les hommes, les conflits internationaux, le dernier essai littéraire à la mode consacré au délitement de la langue française et finit par s’endormir sur son épaule bercée par la douce logorrhée narcotique. Les coussins du divan étaient moelleux, elle soupira d’aise.

  • Le jour où Jane B. m'a sauvée.

    Quand je rencontre Jane Birkin pour la première fois, j'ai 14-15 ans. Je suis une longue créature chétive,  osseuse et farouche. Rien ne pousse ni devant ni derrière. Les seules choses qui fassent forme sur mon corps sont des côtes et des omoplates saillantes, des genoux cagneux. Je lorgne avec envie les nénés des copines déjà formées, les bosses qui poussent le chandail, les marques de soutien-gorge apparentes. Je vois bien ce que ça fait dans les yeux des garçons ces histoires de trucs qui émergent sous les débardeurs. Y a ceux qui regardent franco, un peu hypnotisés, y a ceux qui font semblant que non, mais si.

    Soudain, les filles de la récré les plus transparentes quelques mois auparavant se trouvent dotées d'un super-pouvoir dont elles sont elles-mêmes surprises. C'est la roulette génétique de la vie qui se joue là. Je comprends assez tôt qu'il va falloir me trouver un autre don de la nature si je veux attirer le regard des garçons, mais franchement, pendant très longtemps je ne vois pas quoi. 

    Pour me faciliter l'existence, je décide que les garçons de mon âge sont TOUS des crétins finis et je brigue du côté des "vieux" de Terminale qui se contentent de me bousculer dans les escaliers du lycée.

    Quand je rencontre Jane B. j'ai abandonné tout espoir de séduire à l'aide d'arguments physiques, et mon acné, mon appareil dentaire et ma coupe-garçonne viennent parfaire le tableau de l'adolescente pathétique aux allures androgynes-anorexiques. Je porte alors deux pantalons superposés pour cacher mon absence de formes et m'épaissir un peu.

    Ma tante Domitilde me reçoit à Lille. Elle a laissé traîner sur la petite table de son salon de vieux magazines "people" avec des photos en noir et blanc que je feuillette en attendant qu'elle apporte le café et les petits gâteaux.  Sur la double page du milieu, je découvre une jeune femme aux jambes arquées et maigrelettes dans un mini-short en jean, tenant au bout de son bras un grand panier en osier rigide. En haut un débardeur blanc à même la peau, sans rien dessous, dont le décolleté descend bas sur l'absence de poitrine. Deux tétons, juste, pointent sous le tissu. C'est Jane B. Elle défie l'objectif de son regard effronté et gamin. Elle a un sourire d'enfant. C'est une adulte, une "vieille" d'au moins 25 ans, mais son corps est celui d'une adolescente.

    Ce n'est pas le corps d'une adolescente, c'est MON corps.

    Et ce corps est dingue. Plat mais pas que, courbes discrètes,  hanches de garçon, cuisses imparfaites totalement désirables. Cette fille est SEXY sans les attributs de la féminité. Ça se peut. Ça existe. Choc profond. Renversement des valeurs. Claque morphologique. J'ai trouvé une sœur anatomique.

    Domitilde me confirme que cette fille existe bien. Si j'avais eu la télévision à la maison durant les dix années précédentes, j'aurais peut-être pu l'apercevoir dans les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier en duo avec Gainsbourg, Sardou ou Carlos... Je l'ai découverte juste à temps, avant la mode des Samantha et Sabrina qui aurait fini de m'achever. Ce jour-là, une partie de moi était secourue.

    Ce jour-là, Jane Birkin m'a sauvée.

  • imposteurs

    le syndrome de l’imposteur ?
    tout le monde devrait l’avoir, non ?
    imposteurs de nous-mêmes bien sûr
    en premier lieu
    en unique lieu
    tous bidons devant la glace
    là est le délit
     
    pour le reste, pas si grave…
    le monde est fait d’imposteurs qui ne nous dupent que parce que nous le voulons bien.

  • aucune arrière-pensée

    Depuis que je sais tenir un stylo, j’observe le monde et les gens puis je les écris. Pourquoi ? Mystère. Aucune idée. Aucune arrière-pensée. A l’âge de 9 ans, j’écris parce que c’est ce qu’il y a de mieux à faire après lire des histoires, faire du vélo et jouer à l’élastique dans le lotissement avec mes copines. De temps en temps, je fais du porte-à-porte pour vendre des os de seiche ramassés sur la plage que personne n’achète. L’activité est vaine, aussi vaine que l’acte d’écrire et cela n’a aucune importance. J’apprends l’endurance tranquille.
    C’est bien plus tard que l’on me fait entendre qu’écrire est chose sérieuse, affaire d’initiés. J’acquiesce alors pour ne contrarier personne ; ceux qui disent cela ont l’air si attachés au caractère sacré de l’exercice ; je ne veux pas leur faire de la peine.
     
     
     
    Photo : Doisneau, 1961, "leçon de vélo"

  • Le charme s'étiole

    J'ai longtemps préféré les hommes ténébreux, ombrageux et cyniques. Je les trouvais plus divertissants que les autres. Je les pensais plus profonds ; parfois, ils étaient juste plus arrogants, mais sans talent.
    Finalement, c'est comme pour tout, on s'habitue. Le charme s'étiole. La posture atrabilaire continue d'amuser, mais moins. La rhétorique de la déprime se fait plus prévisible. Cela reste touchant. Parfois un peu pathétique, mais touchant (c'est mon côté brave fille qui parle).

  • Malentendus

    Bénédicte mit un peu de temps à se rendre compte que celui qu’elle avait pris pour un magnifique ténébreux romantique à l’âme torturée et passionnée n’était en réalité qu’un gros chieur narcissique et égocentrique.
     
    Marcus mit un peu de temps à se rendre compte que celle qu’il avait prise pour une sublime romantique fragile à l’âme complexe et passionnée était en réalité une grosse chieuse narcissique et égocentrique.

  • pacte

    - Vous savez sûrement, chère madame, vous qui travaillez dans l’Éducation Nationale, qu'à compter de la rentrée scolaire 2023, des missions nouvelles et plus attractives seront proposées aux professeurs afin de renforcer l’accompagnement des élèves et de valoriser les projets portés au niveau local. Tous les professeurs du premier et du second degré pourront se porter volontaires et que chaque mission fera l’objet d’une rémunération de 1 250 euros bruts par an, soit 3 750 euros bruts pour trois missions. Dans l’enseignement professionnel, la rémunération supplémentaire des nouvelles missions qui seront proposées aux professeurs atteindra un montant annuel de 7 500 euros bruts pour ceux qui s’engageront ! N'est-ce pas stimulant !
     
    - Il fait un temps à se pendre, vous ne trouvez pas ?
     
    - Pardon ?
     
    - Abusé-je de votre gentillesse, cher Roger, si je vous demande d'aller jouer les chasseurs-cueilleurs pour moi du côté du buffet et de revenir avec deux-trois apéricubes et une coupe de champagne ?

  • bien eue

     
     
    Quand il est parti avec une comédienne
    J’ai pris des cours de théâtre
    Quand il est parti avec une chercheuse du CNRS
    J’ai pris des cours de physique nucléaire
    Quand il est parti avec une comptable
    J’ai pris des cours d’utilisation du logiciel professionnel EBP Compta
    Quand il est parti avec une gogo danseuse
    J’ai pris des cours de pole dance
    Quand il est parti avec une cheffe d’orchestre
    J’ai pris des cours de violon, de cymbales et de hautbois
    Quand il est parti avec une humoriste
    J’ai pris des cours de rire
    Quand il est parti avec personne
    J’ai été bien eue

     
  • hors jeu

    Confidence entre amies
     
    C'est cool de vieillir comme femme. On attire beaucoup moins de monde. C'est la sélection naturelle. Notre vieillissement met hors jeu au moins deux catégories d'hommes : les lourds et les esthètes (qui sont parfois les mêmes). Plus on avance en âge, plus c'est vrai. C'est très reposant.

  • Brutus

    Brutus était en lice pour le prix du "Chien le plus laid du monde" auquel son maître, Marcus, l'avait inscrit sans lui demander son avis. D'après quels critères ? Il se trouvait fort beau.
    Il y a fort à parier, pensa le canidé, que s'il existait un prix de "L'Humain le plus moche du monde", Marcus en aurait été désigné d'office vainqueur sans avoir même à concourir.
    Brutus arriva à la 10e place et se réjouit intérieurement de la mine dépitée de son maître qui le rendait encore plus vilain.

  • toast-crevettes

    - Et, que pensez-vous de l’étude qui porte son attention sur la revendication d’une « écriture femme » à partir de laquelle des écrivaines ont pu jouer d’une certaine conjoncture sociale et historique dès les années 70 pour retourner le stigmate de l’appartenance sexuée en emblème d’une innovation esthétique, chère madame ?
     
    - Vous savez qu’on va tous mourir ?
     
    - Pardon ?
     
    - Non, rien. Vous ne voudriez pas aller me chercher une nouvelle coupe de champagne et un toast-crevettes, cher Raoul ? J’ai bien peur que le buffet ne commence à s’épuiser…

  • levier motivationnel

    Bénédicte se réveilla en sursaut au moment où l’homme s’enquérait : « Je n’ai pas l’impression que vous m’écoutez. »
    - Si, si, répondit-elle en réprimant un bâillement. Où en étions-nous déjà ?
    - Je vous demandais ce que vous pensiez de la modélisation d’une dynamique motivationnelle qui aurait pour objectif de transformer une motivation extrinsèque en une motivation autodéterminée intrinsèque chez les étudiants de master. Vous êtes bien professeur de didactique du français à l’université ?
    - Jamais après 20 heures. Vous n’iriez pas me chercher une nouvelle coupe de champagne, cher Bernard ?

  • trivial pursuit

    - Madame, ça sert à quoi la "culture générale" ?
    - Je ne sais pas, Fares... A gagner au Trivial Pursuit ?
    - Ma prof de français l'année dernière, elle disait que c'était important d'avoir de la culture générale.
    - Oui : pour gagner au Trivial Pursuit. Elle a raison.
    - Je crois pas que c'est ce qu'elle voulait dire. Elle parlait de lire, aller au cinéma, au théâtre...
    - Aahhhh ! Vous voulez savoir à quoi servent l'art et la littérature ? Je comprends mieux. Ce n'est pas la même chose.
    - Ça sert à quoi alors ?
    - A rien. C'est juste cadeau pour les humains. A vous d'en faire ce que vous voulez.

     
     
     
  • Mystère

    Non messieurs, contrairement à ce que certaines femmes voudraient vous faire croire, nous n’avons absolument rien de mystérieux. Les photos de profil facebookiennes qui jouent le "caché-montré" ne sont qu’une coquetterie, ne vous laissez pas prendre. Ou alors si, mais en faux dupes. Là commence le badinage, qui peut avoir son charme s'il est mené avec grâce et désinvolture.
    Le reste n'est que candeur ou lourdeur.

  • Lire ?

    Lire, lire, lire… que de statuts angéliques sur les vertus de la lecture !
    Pourtant, dieu sait à quel point j’ai pu me polluer la tête de lectures si peu anodines pour l’esprit, et me complaire parfois dans des états limites par amour de la littérature (et d’une certaine image de moi).
    Œuvrer à sa propre mélancolie n’est-elle pas chose dangereuse ?
    Je me méfie de moi-même comme des tiques des bois et n’hésite pas à écouter La Compagnie Créole les jours où mon penchant naturel aurait tendance à rechercher sournoisement la compagnie d’auteurs cafardeux.
    Je retourne me frotter à eux avec plaisir quand je me sens bien ; ils perdent alors leur pouvoir de contamination et je ne les aime que mieux.

  • Démon

    Tu as déjà rencontré le Démon ?

    Moi, oui, plusieurs fois.

    Il mesure 1 mètre 77, il a les yeux verts, les cheveux bruns mi-longs, un nez bizarre, un genou droit tourné vers l'intérieur et des mains aux veines apparentes.

    Il est jaloux, méchant, arrogant, vaniteux, hypocrite, impatient, fainéant, lâche, égoïste, blessant, sournois, injuste, peureux, rossard, médiocre, odieux, indigne, mauvais et fourbe.

    La plupart du temps, il se terre, planqué dans son antre de crapule galeuse et ne bronche pas.

    Mais quand il surgit,
    sans prévenir,
    emporté,
    déchaîné
    abruti et grotesque,
    c'est fou,
    on jurerait que c'est

    moi.

     

     

     

     
     
     
     

     

     
     
     

    Anselm Kiefer, Mann im Wald, 1971

  • validation

    Le travers le plus répandu sur Facebook ? Le besoin constant de validation.
    Je gomme progressivement ce défaut : mon propre avis m'intéresse de moins en moins.