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Portrait - Page 10

  • Lui ou moi

    Six mois sans elle, déjà... Il avait pourtant fait preuve d'une ténacité et d'une patience hors norme envers son abominable chat, une bête disgracieuse et hostile qui s'évertuait à pisser dans ses chaussures par longs jets acides, avec une application régulière. Quatre paires de Manfield bousillées en un an. Il avait fini par sommer : c'est lui ou moi.
    Elle aimait beaucoup son chat.

  • Au début du XXIe siècle...

    Au début du XXIe siècle, lors de son mandat, un président de la France commettait l'exploit de faire surgir en pleine lumière une population jusque là transparente, taiseuse et peu dérangeante : celle de la banlieue de toutes les banlieues, "la périphérie" du territoire dixit les médias de l'époque.

    On dit que certains citoyens de ce pays se sont alors offusqués du spectacle qui leur était imposé. Et parmi eux, ceux-là mêmes qui, quelques mois auparavant, parlaient encore d'éducation populaire et de formation à la conscience politique. Bizarrement, ce public étranger et étrange venu de contrées lointaines, n'était pas à leur goût. Des rustres, des égoïstes, des indigents, de grossiers personnages sans réflexion collective, sans capacité à se rassembler autour d'un projet commun, des lourdauds qui savaient à peine s'exprimer en public et qui, comble de l'ineptie, ne cherchaient pas de représentant unique. Ils rejetaient même en bloc les instances démocratiques qui leur étaient proposées.

    Pourtant, grâce au grand prestidigitateur, des français qui ne s'étaient jamais fréquentés se rencontraient enfin et se découvraient un peu inquiets et excités comme lors d'une première cousinade : l'oncle-extrémiste de droite de Tourcoing, le cousin écologiste-Ardéchois, la cousine-gauchiste de Trouville, la nièce-universitaire de Bordeaux, la tante-agricultrice de Saône-et-Loire, le cousin-syndicaliste de Saint-Étienne, la cousine-lycéenne engagée de Vaulx-en-Velin, le cousin-apolitique de Touraine...

    Tout ce monde ne parvint pas dans l'instant à converger vers une cause commune et consensuelle mais ils ne pouvaient plus faire semblant de s'ignorer. Ils se demandaient, cependant, ce qu'ils allaient bien pouvoir faire les uns des autres. L'harmonie semblait impossible tant les revendications individuelles apparaissaient discordantes voire antinomiques.

    Mais, le grand illusionniste parvint, avec une vélocité qui força l'admiration de tous, à cristalliser à lui seul toutes les frustrations et les ressentiments éprouvés depuis des lustres par les populations. Il rendit tangibles et apparents les miasmes, les relents putrides, les abjections et les perversions générés par des institutions républicaines depuis longtemps détraquées. L'un des phénomènes symptomatiques de cette époque tourmentée fut la vision d'enfants humiliés et maltraités par des hommes en uniforme dans une cour de récréation, sur les réseaux sociaux.

    Ainsi, le grand magicien excita consciencieusement jour après jour la multitude des foules contre lui. De sorte que, de loin, on pouvait presque croire à la concorde et l'alliance formidables de cette masse d'individus appelée commodément "le peuple".

    Les témoins des événements disent qu'une clameur populaire retentit d'un bout à l'autre de la Terre. Certains ajoutent qu'elle provoqua un séisme politique jusque là inédit (mais des sources fiables manquent encore à ce jour pour corroborer cette thèse).

     

     

     

     

     

    Illustration : Les Funérailles de Galli l'anarchiste de Carlo Carrà
  • Monica Bellucci

    A la question "If not yourself, who would you be ?" (extraite de la version anglaise originelle du questionnaire de Proust) elle dut faire une pause avant de répondre : Simone de Beauvoir. Car, pour être tout à fait honnête, les premières réponses qui lui étaient instantanément venues à l'esprit étaient : Beyoncé et Monica Bellucci.
    Elle espérait juste que le psychologue du travail ne la percerait pas à jour au moment de l'entretien.

  • Fête des lumières

    Vivement le 8 décembre. Comme chaque année, je vais travailler à une petite fête d'intérieur pleine de charme. J'allumerai ma bougie préférée parfum patchouli-sweet grass, je créerai un parcours de lumignons colorés jusqu'à ma chambre, j'éclairerai mon lit d'une lumière caressante et feutrée et, de là, je contemplerai les lueurs des fenêtres voisines et la nouvelle lune.
    J'entendrai peut-être au loin les joyeuses rumeurs de la ville ou le chaos révolutionnaire. Alors, je brûlerai de l'encens en révérence à mes frères discordants.

  • Ortie

    Oh, je t'ai mordu ? Pardon, c'est parce que tu as bousculé un membre de mon clan. Oui, c'est vrai, je suis un peu clanique. Clanique et impulsive. Impulsive et impatiente. Ce sont là mes moindres défauts. A part ça, je suis une chic fille, tu peux me croire. Je ne ferais pas de mal à un brachycère.

    Tu préfèrerais que j'utilise le mot "tribu" ? Non, vraiment, j'aime bien le mot "clan". Ça fait un peu mafieux, tu trouves ? Oui, c'est vrai.

    Ou gaélique, non ? Tu sais que l'appartenance à un clan écossais spécifique était démontrée "par le port d'un brin de végétal qui était la plante fétiche du clan et était accroché au couvre-chef" ?

    Je choisis l'ortie.

    Pour ses propriétés vitalisantes et énergétiques, bien entendu.

  • Sugar baby love

    Depuis qu'il fréquentait des sites pour SugarDaddy ce quinquagénaire avait toujours l'appréhension de découvrir parmi les photos des SugarBaby le visage de sa fille qui était en fac de Droit et avait le même âge que les étudiantes à qui il donnait régulièrement rendez-vous.
    Il lui donnait mensuellement suffisamment d'argent pour qu'elle ne se trouve pas confrontée à des difficultés financières mais une jeune fille avait aggravé son inquiétude dernièrement en lui confiant qu'elle faisait ça "pour le fun" parce qu'elle trouvait les hommes mûrs comme lui trop "choux". D'ailleurs, elle faisait de la discrimination anti-jeunes car elle estimait que ces derniers "n'avaient qu'à se bouger les fesses et aller draguer". La veille, elle s'était pris la tête avec sa mère qui ne voulait pas qu'elle sorte enrhumée : "Mais, maman, je ne vais quand même pas cracher sur les 1500 euros d'un fétichiste des pieds !". Son nouveau beau-père avait ri et elle était partie à son rendez-vous. "Ma mère, elle peut pas comprendre, tu vois ?". Oui, il voyait...

  • Angelina, Brad et Jenny.

    Elle parcourait le monde, faisait des enfants et en adoptait, réalisait des films, jouait dans d'autres, avait participé à une cinquantaine de missions humanitaires ces dix dernières années, faisait la Une des magazines les plus glamours, était régulièrement élue "plus belle femme du monde", avait courageusement décidé de sa mastectomie, était ambassadrice de bonne volonté américano-cambodgienne, écrivaine et bisexuelle.


    Brad avait dû finir par se rendre à l'évidence : Angelina n'avait pas besoin de lui dans sa vie.


    Il se demanda ce qu'était devenue Jennifer. Ils avaient passé de bons moments ensemble du temps de leur mariage. Le souvenir des petits joints du soir sur le divan de leur villa de Beverly Hills le rendit soudain nostalgique. Une bien chic fille que Jenny. Elle lui cuisinerait sûrement ses fameux bagels au pastrami de boeuf sauce barbecue s'il osait la recontacter...


    Il réfléchit un instant, prit son courage à deux mains et saisit le téléphone.

  • toast

    J'ai couché, dès le premier soir, avec nos vanités et nos insuffisances.
    J'ai chéri tous les âges de ta vie. Ceux qui ne m'ont pas connue, ceux que tu ne connais pas encore.
    J'ai enlacé nos ères de félicité, de ravissement et de désillusion.
    J'ai porté un toast à notre sauvage tendresse et à nos déceptions, à nos futures étreintes, nos futures désertions.

  • Apéricube

    Lors d'une soirée chez des amis, je l'ai surpris buvant une bière au goulot (chose qu'il ne faisait jamais, il jugeait cela vulgaire) et déclarant à une jeune femme aux faux airs de Béatrice Dalle au temps de 37°2 le matin :

    "Moi, je suis un rebelle."

    Je l'ai quitté sur le champ. Enfin, mon cerveau l'a fait, puis moi, tout entière, plus tard. Pas à cause de Béatrice Dalle. A cause du sentiment de honte qu'a engendré instantanément en moi cette phrase prononcée par un homme de son âge.
    Plus jamais je n'aurais pu le regarder sans penser à cette assertion grotesque.

    J'ai dansé sur Gone daddy Gone des Violent femmes, j'ai avalé un dernier Apéricube saveur oignon fondant et je suis partie.

  • Education populaire

    Le directeur de ce grand théâtre qui n'avait, depuis longtemps, de populaire que le nom se trouva pris dans un guet-apens autoroutier provoqué par ces nouveaux énergumènes en veste orange. Ils commençaient à prendre un peu trop de liberté et d'assurance ces individus du peuple. Qu'est-ce qu'ils croyaient ? Jamais là dans les manifs pour l’Éducation nationale ou la Santé publique mais pour le carburant, là, ça se rebellait ! Dans le même temps, il s'avoua à lui-même, à voix très basse, qu'il ne manifestait plus depuis bien longtemps pour quoi que ce soit mais ajouta, à son monologue intérieur, un argumentaire venant au secours de sa bonne conscience car, tout de même, il programmait des pièces à caractère social dans son théâtre et organisait régulièrement des rencontres édifiantes entre gens avertis et défenseurs de la cause publique. Sa contre-argumentation intérieure, en revanche, fit fi de sa personnalité despotique et mégalomane et de son mépris envers son personnel administratif en état de burn out généralisé.

    Il demanda à sa collaboratrice et maîtresse officielle de s'occuper gentiment de lui pour faire passer le temps pendant l'embouteillage et rajusta son col Mao en fermant les yeux. Ça lui éviterait d'avoir à lire les slogans vulgaires rédigés à la va-vite sur les pancartes brandies au loin par la populace informe. Et, si par malheur, ça devait durer encore un petit moment, il se mettrait au travail sur sa nouvelle mise en scène de Mère courage.

    Ce n'était certainement pas les admirateurs de Johnny et d'Hanouna qui allaient l'empêcher d'accomplir sa mission d'éducateur populaire.

  • pot de yaourt

    Cela faisait maintenant plus d'un an et demi que sa petite amie professeure des écoles l'avait quitté mais il avait encore le réflexe de mettre de côté les boîtes d’œufs et les pots de yaourt vides pour elle, comme à l'époque de leur idylle.

  • Sourde oreille

    75_1.jpgIl ne faut pas s'écouter.
     
    Il avait répété cette phrase tellement de fois dans sa vie que son entourage avait fini par ne plus prêter l'oreille à ce qu'il disait, décidant qu'un homme qui ne prend pas la peine de s'écouter lui-même ne pouvait exiger des autres qu'ils le fassent à sa place.
     
    La mort fit, elle aussi, la sourde oreille à sa demande de délai.
    Devant la pierre tombale, personne ne prêta attention à l'homélie du prêtre et chacun retourna prestement à ses occupations quotidiennes en jurant contre le crachin automnal.
     
    On n'entendit plus jamais parler de lui.
     
     
     
     
     
     
    Bernard BUFFET (1928-1999) NATURE MORTE A LA RASCASSE, 1951
     
     

  • tapis roulant

    Pour la mère croix-roussienne, chaque situation de la vie quotidienne est prétexte à une démarche pédagogique contributrice au développement de l'enfant. L'usage du tapis roulant de la caisse du super U, par exemple.
    Elle tend à son fils de 2 ans assis dans le caddy tous les produits qu'il contient afin qu'il les dépose lui-même un par un sur le revêtement noir tandis qu'elle les nomme en articulant lentement :
     
    TO-MATES
    EN-DIVES
    YA-OURTS
    CE-RE-A-LES
    BIS-CUITS
    CON-FI-TU-RE
    CRE-PES
    BUTTER-NUT
    A-VO-CAT
    SHAM-POING SEC...
     
    Au bout de 10 minutes, je me demande si je ne devrais pas moi aussi contribuer à l'éducation du petit en lui glissant dans les mains mes deux seuls achats du jour :
     
    SER-VI-ETTES-HY-GIE-NI-QUES
     
    DE-BOU-CHEUR-DE-CA-NA-LI-SA-TION-A-LA-SOU-DE-CAUS-TI-QUE
     
    Mais le bambin en a marre avant moi et balance un sachet de Babybel à la tête de sa maman-pédagogue qui le gronde (sur le mode "éducation non violente") et le prive momentanément de tapis et, par là même, de sciences cognitives.

  • parc à chiens

    Ces deux-là baladent leurs chiens dans mon quartier, en fin d'après-midi, tous les jours vers 18h30.
    A chaque rencontre, les cabots systématiquement se reniflent le derrière avec enthousiasme tandis que les maîtres tirent sur la laisse, un peu gênés, mais quand même conscients que grâce ces triviaux instincts canins ils ont osé s'adresser la parole un soir d'été.
    Depuis, ils guettent avec fébrilité l'apparition de l'un et l'autre à l'angle de la rue Jacquard et les toutous jappent de joie et remuent la queue de loin.
    Les quatre se dirigent alors vers le parc à chiens Popy où ils vivent quotidiennement un chaleureux moment de vie d'humains et de bêtes.
    Et, ce n'est pas rien.

  • salle des casiers

    La seule bonne nouvelle de la rentrée scolaire était de découvrir que la réorganisation des casiers l'avantageait car elle n'avait plus à se contorsionner derrière les fauteuils en faux cuir de la salle des profs pour atteindre le nouveau compartiment situé, à présent, à sa hauteur. Il avait même l'air plus profond que le précédent.


    Elle prit un cappuccino à la machine à café pour fêter cela. Portée par son enthousiasme, elle tourna la tête pour proposer aux présents un expresso ou un thé, mais tout le monde avait quitté la pièce. Elle célébra donc le moment toute seule puis jeta son gobelet en plastique dans la nouvelle poubelle de tri jaune votée au dernier CA avant de rejoindre ses collègues en salle polyvalente pour "la matinée pédagogique".

  • Sacré drôle

    Un sacré drôle que celui-ci.
    Souviens-toi, il passait son temps à pester contre la superficialité, la versatilité, la méchanceté, la vénalité des femmes, ne recherchant dans le même temps que la compagnie du genre de créatures qui le menait systématiquement à sa perte. Ce qui m'a toujours paru étrange, c'est qu'il n'ait jamais fait le lien entre son goût passionné pour les femmes fatales, les bimbos, les femmes-enfants et son dégoût pour toute l'engeance XX. Il est pourtant évident que la fréquentation assidue de ces sortes d'êtres ne pouvait que le conforter dans sa misogynie.

    Nous avons bien essayé de l'aider, un moment, rappelle-toi. Nous lui avions présenté une jeune femme curieuse, intelligente, jolie, altruiste et vive. Quel était son prénom, déjà ? Barbara ? Une chouette fille, bibliothécaire spécialisée dans la littérature de jeunesse. Ça a duré combien de temps ? Un mois, deux ? Il l'a quittée pour une Valériane aussi cruelle que sexy qui lui a fait cracher ses dents. Barbara avait "toutes les qualités qu'un homme pouvait attendre d'une femme" mais elle était "trop gentille" et "elle portait des pantalons". Ce furent ses mots. Il fallait que les jambes soient immédiatement visibles, que la silhouette soit, dans l'instant du premier regard, remarquable et attirante. La sophistication, voilà ce qu'il appréciait chez LA femme. Qu'elle prenne soin d'elle et même beaucoup plus. Bref.

    Il est sorti, ensuite, avec Pamela, une carriériste peroxydée, Florence, une femme-ado capricieuse et tyrannique et Bérengère, une magnifique quadragénaire chef d'entreprise perverse narcissique dressée sur des Louboutins.

    Toutes ces aventures n'ont fait que mener à son paroxysme sa détestation des femmes.

    Il vit seul à présent. Je le sais par une collègue de travail qui est devenue sa voisine de palier. Une femme célibataire, sensible, naturelle et pleine de charme qui n'a donc aucune chance de lui plaire.

  • Psaume 22.

    Tu as une odeur de gitane et de whisky

     

    tu cuisines des plats du dimanche le dimanche et des spaghetti le samedi midi

     

    tu joues de la clarinette, du saxophone et du banjo

     

    tu écoutes France Inter

     

    tu fais de la sérigraphie et de la photographie

     

    tu écoutes Les Nocturnes de Chopin, la sonate en A major de Schubert, la 7e de Beethoven

     

    tu prépares du Quaker avec un jaune d’œuf dedans pour les petits déjeuners de jour d'examen

     

    tu dis C'est toi qui paies EDF ?

     

    tu dis C'est des chanteurs ça ? en entendant Indochine et Cure

     

    tu m'offres le coffret de Brel pour noël, le coffret de Piaf pour mon anniversaire, le coffret de Brassens pour rien

     

    tu écrases le chat sans le faire exprès (il s'est caché sous le moteur) et tu n'oses pas nous le dire

     

    tu m'aides à faire mes devoirs de maths et tu utilises des briques de Légo pour que j'y comprenne quelque chose

     

    tu ne veux pas qu'on entre dans la cuisine quand tu cuisines

     

    tu dis C'est un plat fait avec amour mais tu ne dis pas Je t'aime

     

    tu pleures quand mon cousin Laurent meurt à l'âge de 10 ans

     

    tu pleures quand tu apprends que tu es licencié

     

    tu as un rupture d'anévrisme, une première crise cardiaque, un pontage, une deuxième crise cardiaque.

     

    Un jour, tu meurs. Je cours chercher ton voisin pasteur qui lit le psaume 22 à ton chevet tandis que je te tiens la main. Je me demande si j'ai bien fait mais c'est la première chose qui m'est venue à l'esprit ce jour-là.

     

    Tu me pardonneras.

     

     

     

  • Cx-Rousse by night

    Le 19 octobre 2018 à minuit, sur de cossues terrasses croix-roussiennes, les fillettes de 13 ans boivent de la vodka au goulot et se roulent des pelles sur des airs de RnB français

    Esthétique sophiacoppolienne

    B.O signée Aya Nakamura

    J'm'en bats les reins, j'ai besoin d'un vrai Jo

    Mais tu veux la plus bonne-bonne-bonne de mes copines

    Tu veux tout bombarder, bom-bom, bombarder, hey
    Tu veux tout bombarder, bom-bom, bombarder ouais

    Tu veux la plus bonne
    Tu veux la plus fraîche
    Tu veux la plus bonne
    Tu veux la plus fraîche

  • Salle des profs

    Elle dit : J'ai un amant riche et un amant pauvre, avec l'un, je dors dans des palaces, avec l'autre, je fais l'amour dans des Formule 1.

    Elle dit : Je m'assois à la terrasse du café du palais de la Justice parce que c'est là que viennent déjeuner les magistrats. Je croise et décroise les jambes.

    Elle dit : Tu devrais faire comme moi, prendre un coach sportif à domicile, c'est plus pratique.

    Elle dit : Je t'ai prise comme alibi même si l'on n'est pas amies. Quand je vais voir mon amant, je dis à mon mari que je suis avec toi. Tu es une collègue de travail avec qui je prépare un projet pédagogique. Tu pourras confirmer si je te croise avec lui ?

    Elle dit : T'as une sale gueule ce matin.

    Elle dit : Je ne viendrai pas à la réunion de 14h, mon riche amant m'attend à Lisbonne. Il me paie l'aller-retour en avion pour que l'on déjeune ensemble.

    Elle dit : Regarde, c'est lui sur son yacht. Il est beau, non ?

    Elle dit : Je crois que mon mari se doute de quelque chose.

    Elle dit : Sa femme a découvert notre histoire. Elle a voulu me rencontrer. Elle est superbe, on dirait une mannequin. Je me demande ce qu'il fait avec moi.

    Elle dit : Dis donc, ton cul, il a pas triplé de volume ?

    Elle dit : Je suis enceinte mais je ne sais pas si c'est de mon mari ou de mes amants. Je ne vais pas le garder.

    Elle dit : Je crois que je vais passer un concours de direction. 

     

  • Litanie

    Vas-y elle prend pas mon carnet
    à croire j'ai tué quelqu'un
    j'ai tué quelqu'un ?
    j'ai mis le feu ?
    vas-y je sors pas je sors pas
    à croire j'ai violé quelqu'un
    à croire j'ai vandalisé des choses
    J'ai rien fait
    J'ai fait quoi ?
    y a que moi ?
    y a tout le monde
    tout le monde y fait des trucs
    tout le monde y parle
    vas-y je donne pas mon carnet
    je vais me faire latter par mon père
    j'men bats les couilles
    mon père il est plus fou que moi
    Pourquoi y ferme pas sa chatte lui ?
    qu'est-ce t'ouvres ta chatte pélo ?
    c'est de ta faute si je suis viré
    vas-y ça tombe toujours sur moi
    Je vais tous vous défoncer
    Je vais tous vous défoncer
    Je vais tous vous défoncer.

     

     

     

     

     

    Photographie : École Charles Victoire, Le Havre, 1977.

  • L'histoire de Pierre

    Quand, Pierre, disquaire de 25 ans, avait rencontré Judith, lycéenne de 17 ans, il lui avait dit assez rapidement qu'il préférait sortir avec des filles de moins de 20 ans, car, à partir de cet âge, elles devenaient mois drôles, plus exigeantes, plus sérieuses, en un mot "plus CHIANTES".

    Ils avaient passé trois insouciantes années à s'amuser, danser, aller au concert et à faire ce que font à peu près tous les amoureux de la terre.

    Quand, Judith, étudiante, atteint l'âge de 20 ans, il la quitta, en toute cohérence, pour une jeune Bénédicte de 18 ans.
    Judith n'avait pourtant pas l'impression d'être devenue beaucoup plus enquiquinante que trois auparavant. Tout au plus, plus affûtée et sensée.

    Bref, le contrat amoureux était rompu.

    Elle apprit, 5 ans après, que Bénédicte avait elle-même été remplacée par Sandrine, puis Sandrine par Valérie.

    Elle n'avait plus suivi l'affaire.

    Quand Judith avait revu Pierre, par hasard, 25 années plus tard, elle lui avait trouvé l'air vieux et fatigué.
    Il était marié à une Audrey et avait une fille de 17 ans.
    Pour laquelle il se faisait beaucoup de souci.

  • Tinder time

    Ma voisine de banquette TCL fait défiler sur son écran de téléphone un diaporama de jeunes hommes, grâce à son application Tinder. Elle sélectionne, zoome, visionne, revient sur la photo précédente avec une agilité et une vélocité qui forcent l'admiration.
    Cible masculine: Hipster tatoué et/ou percé, moyenne d'âge : 30-35 ans, profil social : classe moyenne à classe moyenne supérieure.
    Elle communique simultanément avec trois d'entre eux. Ils se prénomment Dimitri, Paul et Benjamin.
    Elle use et abuse de smileys : celui qui sourit, celui qui s'esclaffe, celui qui fait un clin d’œil.
    Son prénom est Eva (un pseudo ?).
    Ses amants virtuels et potentiels ne peuvent pas voir que son collant Dim satin couleur chair est train de gentiment filer sur le bas de sa cuisse, à 17h38, station Grange-Blanche.

  • LUI

    Non mais tu vois, elles sont pénibles les bonnes femmes quand elles arrivent à la ménopause. Et ça se plaint, tout le temps et ça se trouve plus belle et ça se tire sur la peau en disant "Tu crois que je devrais penser à la chirurgie ? Et mes seins, ils sont pas trop mous ?". Ben si. C'est pas des seins de 20 ans, qu'est-ce qu'elle veut que je réponde ? Pas de ma faute si elle découvre l'huile de pâquerette raffermissante à 50 ans alors qu'elle avait toute la vie pour ça. C'est pas à son âge que ça sert à quelque chose de se badigeonner de crème et de machins. Bon, alors, moi, j'lui dis à longueur de journée : " Mais si ça va, t'es belle. Mais non ça me fait rien tes cheveux blancs qui prennent le dessus. Mais si, ton cul il est encore pas si mal, je te jure". Tu crois que ça la rassure ? Que dalle. Elle me dit :

    "Je vois bien que tu dis ça pour me faire plaisir parce que les femmes sur lesquelles tu te retournes dans la rue, elles ont pas les cheveux blancs, ça non ! Et les photos d'actrices que tu postes sur ton Instagram, ça ressemble pas trop à ma pomme. Ou alors si, à la mienne y a 30 ans. Et tu peux pas virer tes vieux LUI de ma vue ? la couverture de mai 2016 avec Elodie Frégé ? celle avec Virginie Ledoyen et son sale chat ? celle avec Lætitia Casta ? la petite sœur de Lætitia Casta ? elle sont combien les frangines Casta ? elles vont m'emmerder longtemps comme ça ?"

    Tu vois, ça prend des proportions, tout de suite. Elle est grotesque. Elle me fait de ces scènes, faut voir. La dernière fête chez Pierre-Yves, tu te souviens ? Elle me reproche d'avoir passé la soirée à discuter avec la cousine de Marie. Tu sais, la jolie blonde de 30 ans qui travaille chez Orange. Elle s'intéresse à ma musique. Qu'est-ce que j'y peux ? Elle me dit qu'elle aime bien la basse, qu'elle en a fait quand elle était ado et qu'elle reprendrait bien des cours. Elle veut des renseignements. Je renseigne. Bon, j'avoue je l'avais dure toute la soirée, elle m'a un peu cherché la petite. Au bout de deux verres de Spritz, elle arrêtait pas de dire "Je suis pompette" en remontant ses cheveux derrière sa nuque avec des petites perles de sueur qui gouttaient sur son cou. Je te jure que si Christelle n'avait pas été là, je lui faisais visiter tous les recoins de la maison. Mais l'autre, elle me fixait de loin avec son regard de hyène furax. Pourtant, je dois dire qu'elle avait fait des efforts ce soir-là, Chris. Elle avait mis sa robe des grandes occasions, la rouge lacée dans le dos avec le décolleté qui descend loin sur les reins, à la Mireille Darc, tu vois ? Et les talons. Elle sait que j'aime ça, sinon elle est trop petite. Elle a les jambes un peu courtes, Christelle. Mais bon, quand même quand elle fait des efforts, elle est franchement regardable encore. Tu te souviens d'elle à la fac ? Une bombe. On peut pas dire. Aujourd'hui, y a tout qui croule lentement, c'est tout de même pas ma faute. C'est les hormones, c'est je sais pas quoi, mais j'y peux rien. Qu'elle me lâche. Quand on est rentré, c'était reparti, elle m'a répété que je ne la regardais plus, qu'elle était transparente et que d'ailleurs plus personne ne s'intéressait à elle. Elle a pleuré en disant que je l'avais humiliée aux yeux de tout le monde en draguant la cousine de Marie. Son mascara coulait sur ses paupières fripées, son fond de teint traçait de grosses rigoles verticales des joues au menton, j'ai vu la peau de son cou qui faisait comme un pli que je n'avais jamais remarqué...

    Et, oui, je l'ai trouvé vieille.

    Je l'ai quand même prise dans mes bras pour qu'elle arrête de geindre et je ne sais pas comment, ça s'est fini au lit... Elle a joui. Moi aussi. En pensant à la blonde de chez Orange. On s'est endormi. Je lui ai promis que je rangerai mes LUI.

    D'ailleurs, si je pouvais les archiver chez toi ? Tu t'en fous, Patricia est partie de toute façon. Et moi, j'y tiens à mes petites femmes.

     

     

     

     

     

     

    photo : LUI - Magazine LUI - N° 49 - Janvier 1968 - Parfait état - Rare et Psychédélique

  • poisson-volant

    Quand l'exocet, dit "poisson-volant", tente d'échapper à son principal prédateur marin, la dorade-coryphène, il s'éjecte hors de l'eau et plane quelques secondes au-dessus des vagues. C'est juste le temps qu'il faut à la frégate du Pacifique pour le repérer, s'élancer vers lui et entreprendre de le saisir au vol. L'exocet plonge alors dans l'océan et se voit de nouveau chassé par le carnassier des mers chaudes qui ne lui laisse aucun répit.

     

    Il jaillit dans le ciel, exécute un saut de l'ange dans la houle, s'élance hors de l'eau, plonge, nage, saute, vole, chute, nage, vole...  Sa danse ininterrompue entre flots et nues est un ravissement pour les yeux des  observateurs munis de longues vues et jumelles.

     

    Bien sûr, ne comptez pas sur moi pour arguer une quelconque leçon du théâtral destin du poisson-volant.

     

     

     

     

    Illustration : Alfred Moquin-Tandon, alias Alfred Frédol, "Le monde de la mer" en 1866 : Planche XXVI, Poissons volants, dorades et albatros.

     

  • Des figues et du pain

    Je fais une dinette du dimanche avec la petite vieille dame du sixième étage. Au marché, j'ai acheté pour elle des figues, du fenouil, du fromage de brebis et des olives au citron. J'ai fait un pain. Elle mange très peu.

    Elle dit : Quand mon mari était là, on était bien.
    Elle dit : Mon médecin me regarde mourir.

    Je me demande combien d'années il me faudra attendre avant que mes voisins ne m'évoquent en parlant de "la petite vieille dame du 3e étage" (ce qui dans le cas de mon mètre 77 serait cocasse).
    Je me demande combien de temps il me faudra attendre avant que mon médecin ne me regarde mourir.

    Elle dit : Mon généraliste m'a donné un sirop pour une toux persistante. Quand je suis allée à l'hôpital, j'avais une pleurésie.
    Elle dit : Mon mari était un homme élégant et délicat. Nous ne nous sommes pas quittés plus de quelques jours durant nos 50 années de vie commune.

    Elle dit : A quoi ça sert tout ça, la vie, maintenant ?

    Je ne sais pas quoi répondre. Je me demande aussi à quoi ça servira, quand, si...
    Je lui ressers une cuillère de salade de fenouil et une figue. Il faut manger, quand même.

     

     

     

     

     

     

    image : http://mpcazaux.free.fr/galerie/displayimage.php?pos=-9

  • Le jour sans fin

    Le père croix-roussien de cinquante ans qui a "refait sa vie" pousse un landau sur le boulevard dominical, flanqué d'un ado-Vans et d'une trentenaire-Antoine et Lili.

     

    Je croise son regard hagard au moment où elle interroge, suspicieuse :

     

    - Tu as pensé aux couches lavables Bio Baby ?

     

    Tel Bill Murray, le père croix-roussien qui a "refait sa vie" semble condamné à revivre son Jour sans fin à lui, jusqu'à ce qu'il comprenne quelque chose.

     

    Mais quoi ?

     

     

     

     

     

     

     

    image extraite de Un jour sans fin réalisé par Harold Ramis (1993)

  • une folle, quoi

    Une vraie dingo.

    On a plaisanté, une fois, à la caisse du Super U du quartier à cause d'une histoire de file d'attente interminable et, depuis, son comportement avec moi est complètement irrationnel.
    Un jour, elle me salue chaleureusement, à la limite de la familiarité et me tend la joue pour que je l'embrasse, le lendemain, elle passe devant moi sans me voir et ne répond pas à mes "bonjour" surpris.
    Cela se répète 5 fois dans le mois. Je la vois passer par tous les stades de la cyclothymie : du tapotage d'épaule enjoué à l'arrêt du C 13, à l'indifférence radicale dans le rayon yaourts et produits frais du U alors que je lui souris clairement.

    Une folle, quoi.

    Si bien qu'irritée par la situation, je décide de ne plus la saluer du tout.

    Il me faudra deux mois pour comprendre que je croise une fois sur deux sa sœur jumelle.

    Évidemment, c'est moi qui deviens la dingue du quartier.

  • Goldorak

    Quand les deux enfants, qui font la manche au feu rouge d'une sortie d'autoroute lilloise, voient la dépanneuse arriver pour embarquer la vieille Ford sur l'aire de stationnement, ils accourent pour observer les manœuvres du gros engin. Ils jettent de temps en temps, dans notre direction, un coup d’œil qui ressemble à un haussement d'épaule compatissant devant le spectacle. La petite finit par s'approcher de moi pour me demander des sous. Je lui donne le peu de monnaie que j'ai. Elle me remercie dans un français approximatif et rejoint le garçon. Ils comptent les pièces, mais c'est le spectacle du tractage de la voiture qui les intéresse. Je comprends. Quand j'étais enfant et que je collectionnais les petites voitures, j'avais une affection particulière pour les véhicules de chantier et de génie civil : la grue, le bulldozer, la pelleteuse, la chargeuse, le rouleau compresseur... J'imaginais qu'en les conduisant on devait faire corps avec la machine et qu'on devenait la tête pensante d'une sorte de robot géant. Comme dans Goldorak.

    Goldorak ne devait certainement rien évoquer aux deux enfants à côté de moi, mais ils avaient d'autres Transformers en tête.

    Je les ai vus, là, pris dans leurs pensées de gosses et j'ai eu envie de les photographier avec mon polaroid. Pas pour moi, mais pour leur laisser, à eux deux, une trace de l'instant. Une mémoire de la dépanneuse, de la vieille Ford, de leur bout d'enfance à la sortie d'une autoroute du Nord de la France. De nous quatre sur cette aire de stationnement.

    J'ai sorti mon appareil et je me suis posée devant eux en leur faisant comprendre que je voulais les prendre en photo et que cette photo serait pour eux.  Ils n'ont pas compris. Ils ne voulaient pas être pris en photo. Mais j'ai quand même appuyé sur le bouton. La petite a tourné le dos à cet instant. Le cliché est sorti, je leur ai donné. Ils se sont demandés ce que je leur tendais. Le polaroid était encore blanc. Le garçon le tournait entre ses doigts en levant les épaules pour manifester son incompréhension. Je leur ai fait signe d'attendre. Et, l'image est apparue, progressivement. Ça les a fait sourire, puis rire. Moi aussi. Ils m'ont demandé dans une langue que je ne comprenais pas, un peu coupée de français, si je pouvais faire un autre cliché car la fille était de dos. Mais c'était la fin du film, je n'ai pas pu (j'avais pris en photo, juste avant, la Ford qu'on ne reverrait peut-être jamais). Ils n'arrêtaient pas de se chamailler le polaroid en riant. La petite regrettait d'avoir tourné le dos, ça se voyait. Mais ça donnait à la photo un truc en plus dans l'empreinte du moment.

    Des trombes d'eau se sont mises à tomber.

    Quand on est passés sous le pont de l'échangeur, en direction de l'agence de location de voitures, j'ai aperçu une dernière fois leurs petites silhouettes penchées sur la photo. Je leur ai fait signe, mais ils ne m'ont pas vue.

  • Le caddie de Sophie Marceau

    Le 3 août 2018, Sophie Marceau en eut assez de faire ses courses sur internet. Elle avait envie de parcourir comme tout le monde les rayons frais des supermarchés pour acheter ses yaourts grecs en direct live. A 13 h 15, elle mit une perruque rousse à longue frange et partit à l'aventure. Elle s'amusa beaucoup, dans les premiers temps, à pousser le caddie et à y déposer des denrées alimentaires variées des marques Repère et Eco +, elle se réjouit encore un peu devant les produits cosmétiques soldés de la marque Nivea (3 crèmes Q10 achetées, la 3e remboursée grâce au bon d'achat), elle commença à s'ennuyer un brin au rayon fruits et légumes, s'étiola à vue d’œil dans l'allée Petit déjeuner-céréales-biscottes et abandonna son chariot à une caisse, à 14 h 23. La file d'attente était trop longue et elle avait rendez-vous avec son masseur à 15 h.

    La prochaine fois, elle demanderait à Juliette Binoche - qui n'avait pas trop le moral en ce moment - de l'accompagner. Ce serait plus rigolo avec une copine.

  • Boris Bradiev

    Boris Bradiev ne voulait plus écrire. Il s'était rendu compte avec effroi que tout ce qu'il jetait sur l'écran de l'ordinateur finissait par advenir dans sa vie. Il s'était spécialisé dans le récit fantastique et la prose courte noire durant ces dix dernières années. Il faisait vivre à ses personnages des situations cauchemardesques, des angoisses primitives qui devenaient la réalité de son quotidien quelques mois après l'écriture.

    Il avait ainsi en l'espace de  cinq ans contracté deux maladies orphelines incurables comme Titus Clément dans Le Sacre de Titus, perdu un bras au cours d'un accident de la circulation comme Bérengère Didon dans Passages protégés, perdu dans le même temps sa femme Jackie partie avec un vieux poète concupiscent comme la femme d'Apollon Gratius dans La vie n'est pas un poème. Comme son malheureux personnage hypocondriaque, Versus Milan, dans La machine déraille, il voyait des bleus et des cicatrices apparaitre et disparaitre sans explication rationnelle sur tout son corps et avait fini par accepter de vivre avec un œil suintant de pus.

    Le moindre mot tapé sur son clavier lui donnait à présent des suées froides. Ses lecteurs friands d'horreur et d'épouvante s'étonnaient de la frilosité progressive de ses écrits. Ils finirent par ne plus le lire.

    Il se sentait aujourd'hui comme Job sur son tas de purin et son athéisme ne lui permettait même pas d'invoquer la clémence divine ou de trouver en la foi une quelconque consolation aux événements.

    Il eut l'idée, pour conjurer le sort, de n'écrire que des récits héroïques dans lesquels le personnage principal se sortait avec gloire des circonstances les plus périlleuses mais cela n'eut aucune retombée positive sur sa vie et cette prose n'intéressait personne.

    Il orchestra alors sa mort dans une nouvelle horrifique extraordinaire, le meilleur de tous ses écrits selon ses anciens lecteurs qui revinrent vers lui à cette occasion, mais un peu tard.

     

     

     

     

    image  : détail de La chute des anges rebelles de Pieter Brueghel l'Ancien, 1562.