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Les lassitudes de Bénédicte

  • épaule élue

    Bénédicte s’ennuie vite et partout. C’est pourquoi, quand elle arrive dans une soirée, sa première action consiste à repérer une épaule confortable sur laquelle elle pourra, le moment venu, poser sa tête pour somnoler à son aise. Là où elle est, elle se laisse bercer par des palabres aux vertus soporifiques portant sur les injustices sociétales, la politique nationale ou les dernières sorties littéraires. Parfois, elle commet un impair, l’épaule élue n’étant finalement pas tout à fait libre. Une femme s’insurge et cherche querelle. Cela peut s’avérer récréatif ; il se passe quelque chose. Elle fait semblant de s’intéresser à l’affaire quelques secondes mais l’ennui la rattrape aussitôt. Elle quitte alors l’assemblée en prenant poliment congé de son hôte (quand elle se souvient de qui il s’agit).

  • dragon ball z

    Chloé avait rendez-vous au café La Renaissance avec un quinqua qu'elle rencontrait pour la première fois.
    Elle le vit arriver de loin. Dressé sur une trottinette électrique. A l'intérieur d'un t-shirt Dragon Ball Z.
    Elle posa deux euros sur la table pour l'espresso et le pourboire, et s'enfuit tranquillement en empruntant la rue Montaigne.

  • Ruinart

    L’homme du rendez-vous, aussi bavard et ennuyeux qu’un volume de l’encyclopédie Universalis – récitait-il des fiches apprises par cœur ? - était un amateur de bière et de jeux de mots qui ne lui parla de Bukowski que pour faire référence à l’émission de Pivot.
    Il était fat sans talent.
    Bénédicte réprima un bâillement et leva la main pour commander une coupe de Ruinart blanc de blanc, seul champagne correct à la carte. Le léger froncement de sourcil de l’homme trahit une inquiétude fébrile au sujet du montant de l'addition. Le spécimen était d’une cohésion admirable. La deuxième coupe fut encore plus délectable que la première.

  • dodo

    Raoul aimait à donner son avis sur tout et n’importe quoi arguant du fait qu’il était un homme libre, honnête et franc. Blessait-il des gens ? Ils étaient tous des imbéciles. Lui demandait-on son opinion sur le monde ? Il se passait d’invitation. Son intelligence était supérieure, son goût sûr, sa vision essentielle. L’avantage avec Raoul, c’est qu’il n’avait besoin de personne pour deviser, il s’enjôlait lui-même (du genre à s'auto-liker sur Facebook), ce qui permettait à ses interlocuteurs de s’échapper sans mal ou de prendre un peu de temps pour eux. Bénédicte l’écouta quelques minutes pérorer sur la vie, la société, les femmes, les hommes, les conflits internationaux, le dernier essai littéraire à la mode consacré au délitement de la langue française et finit par s’endormir sur son épaule bercée par la douce logorrhée narcotique. Les coussins du divan étaient moelleux, elle soupira d’aise.

  • bien eue

     
     
    Quand il est parti avec une comédienne
    J’ai pris des cours de théâtre
    Quand il est parti avec une chercheuse du CNRS
    J’ai pris des cours de physique nucléaire
    Quand il est parti avec une comptable
    J’ai pris des cours d’utilisation du logiciel professionnel EBP Compta
    Quand il est parti avec une gogo danseuse
    J’ai pris des cours de pole dance
    Quand il est parti avec une cheffe d’orchestre
    J’ai pris des cours de violon, de cymbales et de hautbois
    Quand il est parti avec une humoriste
    J’ai pris des cours de rire
    Quand il est parti avec personne
    J’ai été bien eue

     
  • toast-crevettes

    - Et, que pensez-vous de l’étude qui porte son attention sur la revendication d’une « écriture femme » à partir de laquelle des écrivaines ont pu jouer d’une certaine conjoncture sociale et historique dès les années 70 pour retourner le stigmate de l’appartenance sexuée en emblème d’une innovation esthétique, chère madame ?
     
    - Vous savez qu’on va tous mourir ?
     
    - Pardon ?
     
    - Non, rien. Vous ne voudriez pas aller me chercher une nouvelle coupe de champagne et un toast-crevettes, cher Raoul ? J’ai bien peur que le buffet ne commence à s’épuiser…

  • levier motivationnel

    Bénédicte se réveilla en sursaut au moment où l’homme s’enquérait : « Je n’ai pas l’impression que vous m’écoutez. »
    - Si, si, répondit-elle en réprimant un bâillement. Où en étions-nous déjà ?
    - Je vous demandais ce que vous pensiez de la modélisation d’une dynamique motivationnelle qui aurait pour objectif de transformer une motivation extrinsèque en une motivation autodéterminée intrinsèque chez les étudiants de master. Vous êtes bien professeur de didactique du français à l’université ?
    - Jamais après 20 heures. Vous n’iriez pas me chercher une nouvelle coupe de champagne, cher Bernard ?

  • invitations

    Bénédicte demandait en "amis" sur Facebook des gens qu'elle n'aimait pas dans la vie réelle afin de ne perdre aucune occasion de nourrir sa rancœur, sa jalousie ou sa détestation (selon).

     
     
     
  • Céline Dion

    Bénédicte vit le beau Marcus se diriger vers elle alors que Céline Dion était en train de vocaliser à fond "Pour que tu m'aimes encore" dans son casque JBL. Quand il se pencha pour lui demander ce qu'elle écoutait, elle répondit sans sourciller :
    du Daniel Darc.
    Il s'éloigna après avoir levé un pouce satisfait. Ouf. Encore une fois, elle l'avait échappé belle.

  • co-working

    A la fin de la soirée, Marcus proposa à Bénédicte de co-worker avec lui dans une coopérative éco-responsable auto-gérée. C’était donc tout ce qu’avait à lui proposer ce trentenaire dans la première force de son âge après trois Apérol Spritz. Même pas un petit appel du pied sous la table durant ce long apéro-dînatoire. Bénédicte se contenta de suçoter sa paille en inox en prenant garde de ne pas manifester de manière trop ostentatoire son ennui profond, ce qu’il interpréta comme une invitation à enchaîner sur un savant calcul de son empreinte carbone au quotidien.

  • Le Che

    Bénédicte avait rendez-vous avec un homme rencontré sur Toi&Moi=Nous mais quand elle arriva non loin du café où il l'attendait, elle vit que le type, qui venait d'avoir cinquante ans, portait un tee-shirt Che Guevara. Elle fit demi-tour et retourna se coucher.

  • totale panique

    Bénédicte était en totale panique. Alors qu’elle était le soir-même l’invitée référente d’une table ronde intitulée « Sois belle et tais-toi : la publicité, antre du sexisme ? », Stanislas, son coiffeur attitré, lui faisait faux bond et elle ne parvenait pas à remettre la main sur son petit chemisier en soie vert assorti à ses yeux qui mettait si bien en valeur sa svelte silhouette.

  • déceptions

    Bénédicte mit un peu de temps à se rendre compte que celui qu’elle avait pris pour un magnifique ténébreux romantique à l’âme torturée et passionnée n’était en réalité qu’un gros chieur narcissique et égocentrique.
    Marcus mit un peu de temps à se rendre compte que celle qu’il avait prise pour une sublime romantique fragile à l’âme complexe et passionnée était en réalité une grosse chieuse narcissique et égocentrique.

  • musique festive

    Bénédicte devait bien se rendre à l'évidence : les musiques "festives" françaises lui hérissaient de plus en plus le poil et l'action des films d'action avait un effet de plus en plus soporifique sur elle.
    Quand Marcus posa un disque des Fatals Picards sur sa platine et qu'il proposa d'enchaîner avec Mission impossible III, elle sut que la soirée serait de la plus haute pénibilité. Elle chercha un chat des yeux pour prétexter une allergie violente mais elle n'aperçut qu'un affreux aquarium gigantesque dans lequel évoluaient d'ennuyeux poissons multicolores.
    - Ah, tu t'intéresses aux poissons, Béné ? Regarde, là tu as deux combattants et ici un Barbu de Sumatra et là, encore...
    Bénédicte but trois gorgées de kir cassis, goba un apéricube parfum olive verte et poussa un profond soupir.

  • la mouche

    Bénédicte avait bien essayé, dans les premières minutes, d’écouter avec intérêt la logorrhée de cet homme qui essayait de la séduire en déployant un discours humaniste, progressiste, militant et engagé, mais elle se lassa vite en constatant qu’elle pouvait anticiper chaque mot qui sortirait de sa bouche seconde après seconde.
    Heureusement, la présence d’une mouche qui voletait dans la salle du café la divertit assez pour qu’elle semblât ne pas s’ennuyer. Elle prit garde de ne pas l’avaler au moment fatal où elle fut prise d'un irrépressible bâillement.