Il passa son existence à cultiver une grande suspicion à l'égard du bonheur. Il rejeta assidûment loin de lui toutes les possibilités de plénitude et de repos des sens et de l'esprit que lui offraient des rencontres heureuses et impromptues. Il toisa avec défiance les êtres les plus bienveillants et s'amouracha systématiquement de créatures hostiles et cyniques qui finissaient par le laisser comme mort dans le caniveau cafardeux de son destin. Quand il se relevait, toujours plus boursouflé d'amertume et d'aigreur, il maudissait les arbres, les oiseaux, les ciels d'été, les femmes et les enfants. Comme il se piquait de poésie et de littérature, il écrivait alors de méchants textes confus sur la vacuité de toute chose qui remportèrent, un temps, un honorable succès auprès de contemporains chagrins et bilieux. Chaque pouce levé nourrissait son acariâtreté.
Puis, ses poses ténébreuses finirent par lasser même ses plus fidèles lecteurs.
Il mourut un soir de coupe du monde et prit le temps de maudire une dernière fois, les klaxons, les chants victorieux, les cris d’allégresse et la foule humaine dans une parfaite indifférence générale.