Il m'a appris à écouter des choses gaies quand je suis triste.
A abandonner les airs mélancoliques aux seuls moments joyeux. A ne pas ajouter du malheur au malheur.
Je savais déjà, avant lui, que la complaisance envers son propre malheur est une faute de goût, un manquement à l'élégance.
Mais j'étais brouillonne. Il m'a apporté la méthode.
Portrait - Page 7
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méthode
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Villa Gillet
Au parc de la Cerisaie, le couple de mariés debout sur le perron de la villa Gillet prend des poses devant la photographe d'événements qui s'impatiente :
- Penchez la tête. Non, pas comme ça... la tête plus penchée, monsieur... non, ça ne va pas. AYEZ L'AIR amoureux !Lien permanent Catégories : Car parmi tous les souvenirs, Characters, Croix-Rousse, Deux, Portrait 0 commentaire -
Excuse-moi
Je noie une araignée en répétant quatre fois « excuse-moi » alors qu’elle essaie courageusement d’échapper au filet d’eau du robinet en remontant vers le bord du lavabo. Je dis « excuse-moi » et je dirige plusieurs fois le liquide vers elle jusqu’à ce que ses forces l’abandonnent.
Bien sûr, ça n’a pas de sens. On ne s’excuse pas de tuer. On le fait ou on ne le fait pas. Le bourreau doit rester entièrement bourreau durant l’acte criminel. Il ne peut se défausser de son geste sans faire injure à sa victime.
Le petit corps chiffonné sans plus de pattes finit dans le siphon. Pourtant, dans la maison, les gens rient et boivent du champagne comme si aucun drame existentiel n’avait lieu à l’instant même.
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A un doigt de
J’ai failli écrire un texte avec
de très gros mots
non mais vraiment
vous n’imaginez pas
très gros
mais je me suis arrêtée à temps
heureusementvous étiez à deux doigts de lire
un truc avec
je n’ose pas dire
avec
non
vous allez dire
la fille
elle ose tout
elle n’a peur de rien
je me lance
avec les mots
j’ose
avec les mots
j’inspire profondément
avec les motsâme
éternité
paix universelle
monde meilleur
justiceje vous avais prévenu
j’étais même à deux virgules
de prendre
en otage
des victimes inconnues
pour servir mon propos
mais
vous voyez
je me suis ravisée
à temps
juste à tempsencore un peu
et j’étais vraiment
à un doigt
de me vautrer
dans la crapulerie
lyrique -
La vraie
Un matin dans la glace on découvre sa vraie gueule. Il faut alors se rendre à l’évidence, les gueules d’avant ce jour n’étaient que des ersatz, des essais. Celle-ci, qu’elle nous plaise ou non, est l’authentique. Et ce n’est généralement pas la tête de vingt ans : trop jolie, trop homogène, trop nette, en tout cas pas assez expressive pour figurer le visage officiel. Non, notre juste tête nous apparait généralement après quarante ans, parfois un peu plus tôt mais c’est rare. Voyez : Brad Pitt, par exemple, a trouvé son véritable visage après cinquante ans. Il était temps. Avant cela, la contemplation de ses traits symétriques, lisses, réguliers et monotones provoquait chez le spectateur bâillements et ennui profond. C’est parce que les angles accidentés, le poil blanc, les rides, les poches sous les yeux, le regard qui a vu, révèlent l’essence originale de l’être, sa complétude enfin atteinte.
Ensuite, bien sûr, tout se délite très vite. La vraie gueule, et avec elle, les convictions, les certitudes, les résistances inutiles.
Et le crâne hilare est bientôt recouvert de mousse végétale.Ilustration : Céline Papet, 2020.
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la marieuse
Dans le métro, je marie les gens, je forme des couples que je crée selon mes goûts. Je fiance les membres isolés de la voiture, je constitue des binômes harmonieux. Harmonieux selon mes critères, s’entend. Je n’apprécie pas ce qui va de soi, ce qui parait instantanément assorti.
Les gens n’ont pas beaucoup d’imagination, ne savent pas nécessairement ce qui leur convient et se font de fausses idées sur leurs propres désirs. Ma mission est de les guider, de les aider à y voir plus clair dans leurs envies et à discerner le conditionnement social de la véritable aspiration intime. Je rends visibles les inaperçus, j’alliance les possibles non révélés, je marie les inattendus : l’étudiante aux Beaux-Arts et son carton à dessins avec le V.R.P. à la mallette noire, la secrétaire de direction en tailleur et talons avec la circassienne en parka kaki et dreadlocks, la vieille rentière au foulard Hermès avec le jeune travailleur précaire aux chaussures de sécurité. Je reçois chaque jour des lettres de reconnaissance de la part de couples de ma création qui louent mon audace et mon inventivité.
Bien sûr, je dois continuer de parfaire mon art de l’assemblage. J’ai encore un peu de mal avec ceux qui lèchent leur propre reflet dans les vitres du wagon et s’avèrent réfractaires aux fiançailles avec un.e autre qu’eux-mêmes.
Image : Fahrenheit 451, Truffaut, 1966.
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système
Le système anti-reflet de mes nouvelles lunettes de vue modifiera-t-il ma perception du réel ? Le dispositif anti-lumière bleue de mes nouvelles lunettes de vue aura-t-il un impact sur mon appréhension des événements terrestres ? Mes connexions neuronales s’en trouveront-elles affectées ? Connaîtrai-je alors des expériences sensorielles inédites ? Le vendeur-conseil en magasin m’a assuré que non. Peut-être subirai-je une légère modification de ma sensation des couleurs a-t-il avancé sans sourciller, comme si cette subtile transmutation de mon discernement des teintes du monde et des écrans était un détail sans conséquences sur mon schéma interne opérationnel, sur mon évolution psychique et, par ricochet, sur ma disposition à être au monde. Vraiment, il n’est pas étonnant que tout parte à vau-l’eau. Les gens ne se rendent pas compte.
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Quai Claude-Bernard
De retour dans les jardins de Lyon 2, sur les quais, département de lettres modernes et classiques. Rien n’a changé. Les hauts murs n’ont pas bougé, le grand arbre est toujours là, le parterre de fleurs est semblable à lui-même. Les jeunes filles de ma jeunesse n’ont pas quitté la pelouse, elles sont assises en cercle, discutent, fument (un peu moins), échangent des fiches de cours (stockées dans des i-phone), plaisantent, mangent des sandwichs, se racontent des histoires de garçons, de profs. Sur les marches, un couple flirte. Deux jeunes hommes participent aux discussions sur l’herbe. Homosexuels, romantiques-écorchés-vifs-à-tendance-suicidaire comme l’étaient les quelques garçons inscrits en lettres dans les années quatre-vingt-dix ? Ou des malins qui se foutent bien de la littérature mais savent que l’amphi est presque exclusivement composé de filles. Ou de vrais passionnés qui, par conséquent, ne moisiront pas ici, ils auront mieux à faire.
Tout est à sa place en cette journée. Les mêmes visages, les mêmes mains passées dans les cheveux, les mêmes cigarettes aux lèvres, les mêmes rires de vingt ans. La scène a les couleurs d’un polaroid du passé sur lequel je serais la seule à avoir vieilli. -
Doudou
Les élèves disent « Vous nous avez manqué, madame ». Oui, à n’en pas douter. Comme le doudou manque au petit chien qui jappe tout à sa joie de le retrouver, commence par lui faire un gros câlin, puis s’excite par palier, faisant alterner coups de langue et petites morsures, finit par le secouer avec une frénésie brute, neutralisé fermement par les maxillaires, et l’abandonne couvert de bave et loqueteux dans un coin de la pièce jusqu’aux prochaines retrouvailles.
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Mon visage en terre glaise
Mon visage en terre glaise est manipulé par des doigts inconnus qui préparent une grande farce.
Ils ont dit : ferme les yeux, tu les rouvriras quand on te le dira, ne triche pas.
A présent, je les sens qui pétrissent l’argile, qui malaxent la matière, la tirent vers le bas, tentent des effets, se ravisent, pressent mes paupières, creusent, creusent des rigoles, des fosses dans le terrain mou, enfoncent leurs phalanges jointes dans mes deux joues, façonnent, créent des accidents, taillent au ciseau des tranchées partant de la base de mes narines à ma bouche, incisent le front, le menton, plissent le cou, modèlent le tout sans trêve avec un enthousiasme sauvage.
Le travail dure si longtemps que je m’endors. Ils sont partis. Je ne sais pas si j’ai le droit d’ouvrir les yeux. Je ne sais pas si le travail est achevé, si la blague a pris fin ou s’ils font une pause déjeuner. Peut-être faut-il que mon nouveau visage sèche avant d’être regardé. Je préfère ne pas les contrarier. J’attends. -
Joie de chien
Tu auras gagné ta journée si tu parviens à vivre au moins une fois cet instant de la joie du chien qui court après un bâton. Un instant plein, vivant, sans arrière-pensées, entièrement tendu vers son objet et sans autre but que la saisie du bout de bois dans la mâchoire.
C'est l'instant que j'appelle "joie de chien" (et qui est renouvelable à loisir, si tu t'y exerces avec sérieux). -
Rencontre
La méduse Irukandji est la plus petite méduse du monde. La plus ravissante aussi : ses longs filaments lumineux ressemblent à de graciles cils de biche frissonnant dans l’onde océane. Et la plus dangereuse, car si ses cheveux d’ange effleurent le baigneur, il subira, au mieux, d’insupportables douleurs de brûlures dans tout le corps qui le laisseront éveillé et presque fou pendant des jours, au pire, il mourra.
La petite méduse n’est pas agressive, elle n’attaque pas, elle se contente de se mouvoir avec élégance dans l’eau salée, elle n’est ni méchante ni gentille, si tu meurs, ce ne sera pas sa faute, ce ne sera pas la tienne, ce sera comme ça. Une rencontre, un temps, un espace, la vie.
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Verum, Nil securius est malo poeta
- Et pourquoi ne poétises-tu pas, Judith ?
- Parce que j'ai lu Montaigne.
- Oui ?
- Oui. Tu as un instant ? Je cite :"Je ne puis supporter mes vers. Il est permis de faire le sot ailleurs, mais non dans la poésie, mediocribus esse poetis/non dii, non homines, non concessere columnae. [Ni les dieux ni les hommes ni les colonnes où s'affichent leurs livres ne permettent la médiocrité aux poètes.] Plût à dieu que cette phrase se trouvât au fronton des boutiques de tous nos imprimeurs pour en défendre l'entrée aux versificateurs, Verum/Nil securius est malo poeta. [mais rien n'a plus d'assurance qu'un mauvais poète].
Dans Les Essais, Livre II, chapitre XVII, Sur la présomption.
- Ah, d'accord.
- Voilà. Une autre question ? -
Vergetures et cicatrices
Nos corps en maillot de bain sur les serviettes de plage sont tranquilles et modestes. Ils ne demandent rien à personne. Ils contemplent leurs vergetures et leurs cicatrices avec révérence. Ils ne sont plus jeunes, pas tout à fait vieux encore. Quand d’ailleurs ? Ils attendent. Et pendant l’attente, ils prennent le soleil, le vent, l’embrun. Le retour au sable, ils y pensent, parfois, mais l’idée se mêle bientôt au roulis de l’eau sur les galets et finit par se confondre avec la mer océane.
Alors, nos corps finissent le paquet de chouchous et se donnent un baiser.
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Lectures
C’est à la façon qu’il avait eu de se saisir d’un livre, d’en toucher la couverture, de l’ouvrir, de le feuilleter, d’en parcourir quelques pages et de s’arrêter précisément sur une ligne pour la lui lire, qu’elle avait soudainement vu en lui non plus l’ami mais l’amant.
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Blablabla
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Tout à sa place
Avec tous les galets de la plage du Havre, j’ai construit notre maison, notre jardin, nos ponts, nos puits, nos montagnes et nos plaines, nos barrages et nos grandes allées, nos cabines de plage. Avec toute la Manche, j’ai fabriqué nos pluies, nos sources, nos mares aux canards, nos flaques et nos torrents, nos marées hautes et basses, nos mers, nos océans.
Puis, je t’ai dit que tu pouvais ouvrir les yeux.Après, bien sûr, j’ai tout remis à sa place. Je suis une fille ordonnée.
Photographie, polaroid OneStep2, plage du Havre, août 2019.
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Texte à message
C’est un message qui cherchait un texte dans lequel se glisser. Il a tapé à ma porte, sûr de son fait, convaincu de sa légitimité, assuré de son pouvoir de séduction.
Je l’ai laissé sur le palier sans lui proposer un café et l’ai invité à aller voir ailleurs si mes écrits y étaient. Il est reparti très vexé.
Depuis, il boude. -
10 août
Je prends le soleil, allongée sur le ventre, j’entends les vagues, je perçois les cris joyeux des jeux de plage, une mouette à dix pas vient chiper les miettes des baigneurs, il me demande si je veux encore un peu de chouchous où s’il peut finir le paquet, et là, comme chaque 10 août de chaque été, je la sens qui rampe dans mon dos comme un asticot blanc. Ce n’est pas une goutte d’annonce d’orage, ce n’est pas une goutte d’eau de mer, ce n’est pas une goutte de sueur due à la chaleur, non, c’est « la goutte de rentrée ». Celle qui creuse un petit sillon d’anxiété quasi imperceptible, furtif mais manifeste, le long de ton échine. Celle qui dit que tu es encore en vacances mais qui en prédit déjà la fin. Celle qui jette un grain de sable sur ta boule de glace coco.
Tu peux finir le paquet, mon amour, tu peux… -
Nu
Sur les réseaux sociaux, il accompagnait chacun de ses poèmes d’une photographie de femme nue comme un bonus à son texte au cas où il n’aurait pas suffi à lui-même.
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la guerre, c'est atroce
La guerre, c’est atroce, dit-elle
les humains sont si méchants
comment peut-on ?
comment peut-on ?
la vie est injuste
la vie est cruelle
se désole-t-elle
il faut s’aimer
Il faut
Il faut
scande-t-elle
sinon je pleure
sinon je pleure
tu as vu comme les hommes tuent ?
tu as vu comme les enfants sont battus ?
alors que la paix
c’est beau la paix, non ?
la paix, dis-moi,
c’est mieux que la guerre non ?
l’amour, c’est mieux que la haine
hein, dis ?
Il faut
Il faut
les camps de concentration, c’est mal
tu te rends compte, les génocides
et le racisme
qu’est-ce que tu en dis du racisme ?
tu ne dis rien ?
tu ne dis rien ?
tu t’en fous, c’est ça ?
tu es là, tu écris tes petits textes et tu ne dis rien.
t’es une putain d’égoïste en fait.
Pendant que moi, je poste des images sur les réseaux sociaux
pour conscientiser le monde,
toi, tu es là,
avec tes petits textes
et tu me dis que je ferais mieux de prendre le tempsd’aller regarder pousser un radis.
illustration : Jelly Cloux.
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Grain
Non, le grain de sable coincé entre mes orteils ne m’enjoint pas de me rappeler pas que la vie allie plaisir et contrariétés, il est juste là parce qu’il y a la mer, le sel, la plage et que je n’ai toujours pas trouvé la douche pour rincer mes pieds avant de les glisser dans mes sandales.
Pour une fois, laissons les allégories fondre comme glace italienne au soleil. -
dictaphone
Dans le dictaphone retrouvé, la voix de mon père mort il y a sept ans. Pendant 5 minutes et 4 secondes, il allume sa cigarette, tire sur le filtre, expire la fumée, pose le briquet sur la table, dialogue avec un agent immobilier, évoque la rue des Bouleaux et la rue de l’Ambre à Douai, répète le nom de maître Allard, règle des détails pratiques. Puis la conversation s’arrête. La voix n’existe plus. La tonalité de fin d’appel résonne comme une suite de points de suspension ouverts sur son absence. On est le 3 août 2019 et il sort une deuxième fois de ma vie.
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phare sans mer
Il me dit qu’il veut être grutier
pour être en haut
tout en haut
là-bas
montre-t-il
dans une cabine
au-dessus d’un chantier
seul
surtout
seul
loin de la cité
et des hommes.Il a 16 ans
et c’est ce qu’il veut
une grue à lui
comme un phare sans mer
qui n’aurait vocation à guider personne
et dans laquelle
finit-il par dire
personne
non
personne
ne viendrait plusle faire chier.
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Evanescente
Moi aussi, un jour, je serai une fille évanescente.
Une de celles qui disent : « Je reviens de Sète, tiens, regarde… » et qui font apparaitre du sable fin du fond de leur poche Levi’s et le laissent couler entre leurs doigts graciles quand on leur demande ce qu’elles deviennent. Telle cette Colargole, croisée un jour alors que j’étais en ville avec un ami comédien. Elle avait accompagné son geste d’une citation poétique et d’un mouvement de tête comme dans les pubs pour shampoing doux. J’ai cru que du sable allait aussi glisser de ses cheveux.
Je me suis dit : Cette fille est sacrément évanescente. Et en plus, elle connaît des vers par cœur. Bon... des vers avec les mots « ciel, bleu et âme » mais quand même.
J’avais du boulot.
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Impermanence
Tout bouge, tout fuit, l'impermanence est un pied de nez à toutes tes tentatives de fixité.
Chaque portrait sur Instagram est une face de mort.
Chaque photo est le témoin précaire de ton passage :
le selfie dans la salle de bain,
la main sous le menton,
le chat sur l’épaule,
la petite fille en robe rouge qui pleure devant le portail de la maison,
le couple d’amoureux qui s’enlace sur la grève…
Milliards de clichés flottant dans le vide. Toutes nos légendes sur les chemins, nos sourires à peine punaisés déjà biffés.
Mais demain te retrouvera dans les cascades, les pierres, la boue, les souches et les marées.
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Vestiaire
Dans ce vestiaire de salle de sport, tandis que la jeune fille de vingt ans se contorsionne dans sa serviette pour ne pas laisser paraitre un sein parfait de vingt ans, la vieille femme déambule nue une brosse à la main, allant et venant du casier à la douche, leste et légère dans son corps de vieille femme, peau molle et tranquille, fesses nonchalantes, seins paresseux, cheveux gris et poils blancs.
Elle se déplace, ici et là, nue, dans son corps de vieille femme qui n’a rien à nous dire de plus ou de mieux. -
Fifi
Mon temps n’est plus à
la tragédie,
aux cris,
aux plaintes,
à l'élégie.
Phèdre me fait bâiller.
Fi de ses lamentations
de sa passion fatale,
de sa machine à deux balles.
Fi des dieux et des prophéties.Grave faute de goût
que le goût du malheur.Fi des images complaisantes
des formules toutes faites
piquées au dosdes quatrièmes de couverture
et jamais ingérées,
juste recrachées.Crachat dans le néant.
Tu dis Amour
Tu dis Paix
Tu dis ÂmeTu gonfles des ballons
tout prêts à éclater.Illustration : Sarah Bernhardt dans le rôle de Phèdre, 1874.
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Fève tonka
On guette, on est sur le qui-vive, on protège ses arrières mais ça se passe ailleurs. Le champ qu’on croyait miné est vierge. Le champ qu’on pensait sauf est piégé. On s’attend au pire : on a raison. Et on a tort. Car rien n’arrivera comme on l’a imaginé. Parce qu’on n’est pas dieu. Parce que la vie est un grand fracas de tout et qu’on est le centre de rien. Parce que le sens nous dépasse. Parce que la vie n’a pas vocation à être juste. Les bourreaux s’en sortent. Les plus méritants ne sont pas ceux qui arrivent. Les pauvres restent pauvres. Et puis, les agios, les subprimes... Et puis, les guerres et les chaos... Le grand cri universel inouï.
Il n’y a qu’une chose à faire, qui tient en un mot que je ne dirai pas mais qui ressemble au parfum de la fève tonka mêlé à une vision de mer.
Entende qui pourra.
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Dans le smartphone
L'enfant de quinze mois pleure
la mère le prend en photo
l'enfant pleure
sur une plage d’Hyères
la mère le prend en photo
devant la mer
clic
il pleure
clic
il pleure
clic
il pleure
il tend les bras
clic
il appelle maman
clic
clic
j'écris clic
mais les smartphones ne font pas de bruit
ils ne prennent pas non plus les enfants dans les bras
ils prennent des photos
d'enfants qui pleurent devant la mer
parce que la mer verte
les cheveux blonds
et le ciel pastel
c'est joli en photo
dans le smartphone
l’enfant est sans doute heureux aussi
quelque part
dans le smartphone
il mange sa première glace
il regarde un pigeon
il applaudit
il rit
dans le smartphone
de sa mère.Lien permanent Catégories : Characters, Enfance & adolescence, Portrait, Réseau social 0 commentaire