La Mare Rouge - Page 3
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la mouche
Bénédicte avait bien essayé, dans les premières minutes, d’écouter avec intérêt la logorrhée de cet homme qui essayait de la séduire en déployant un discours humaniste, progressiste, militant et engagé, mais elle se lassa vite en constatant qu’elle pouvait anticiper chaque mot qui sortirait de sa bouche seconde après seconde.Heureusement, la présence d’une mouche qui voletait dans la salle du café la divertit assez pour qu’elle semblât ne pas s’ennuyer. Elle prit garde de ne pas l’avaler au moment fatal où elle fut prise d'un irrépressible bâillement. -
Artiste ?
- Madame, à quoi on sait qu'on est artiste, en fait ?- Si tu te lèves tous les matins pour te mettre à l'ouvrage alors que personne ne t'a rien demandé et qu'a priori ça ne te rapportera rien matériellement avant un moment ? Peut-être jamais. Si tu fais de cette pratique une priorité dans ta vie quotidienne quand bien même tu serais payé pour faire autre chose par ailleurs ?- Ça sert à quoi, alors ?- Je ne sais pas. Mais l'artiste ne peut pas faire autrement. Et si ce qu'il fait finit par atteindre quelqu'un, c'est tant mieux.- Moi, j'écris un peu tous les jours.- Quelqu'un t'a demandé de le faire ?- Non.- Tu as demandé la permission à quelqu'un pour le faire ?- Non.- Quelqu'un te paie pour le faire ?- Non.- Si tu continues sur cette voie-là, j'ai bien peur que tu deviennes ce qu'on appelle dans la famille des artistes, un écrivain ou un poète, Idriss. Mais ne loupe pas ta récré, les artistes ont aussi besoin de pauses. Go ! -
Vous avez dit éco-anxiété ?
La chroniqueuse de France Culture s’extasia sur la conscientisation politique et écologique de cette génération Z + qui se battait tous les jours pour l’avenir de la planète, mue par un syndrome d’éco-anxiété symptomatique des 15-20 ans. Et, la chroniqueuse de France Culture tout émue par ce combat altruiste, oublia de parler des jeunes de la même tranche d’âge mus, eux, par un syndrome d’anxiété tout court lié non pas au sort de la planète ou à une vision prospective des cinquante prochaines années mais à leurs conditions de vie présente et aux perspectives d’avenir qui leur étaient offertes par la société actuelle.Ce n’était pas que les jeunes de la deuxième catégorie n’en eussent rien à cirer du réchauffement climatique et de l’agonie de la terre et des hommes, mais tenter de sauver leur peau et ne pas sombrer dans la dépression chronique leur prenait déjà beaucoup de temps et d’énergie au quotidien.On leur répétait qu’ils avaient mangé leur pain blanc et qu’ils se devaient de devenir éco-responsable. Cool, le chauffage était coupé depuis longtemps. Mais de quel pain blanc pouvait-il s'agir ?Lien permanent Catégories : Characters, Ecole, Enfance & adolescence, Humeurs, Portrait, Réseau social 0 commentaire -
sobriété
baissez le chauffagene vous embrassez pasne restez pas sous la douchesi vous aimez vos proches, ne vous approchez paséteignez la lumièrene circulez plusrestez chez vousfaites des économiesvous n'arrivez déjà pas à finir le mois ?c'est con pour voussortez vos acryliquesc'est moche ?tant pis pour voussoyez sobresrestez à distancerestez masquésvous avez mangé votre pain blancil était déjà rassis ?dommage pour vousje baisse, j’éteins, je me flingue ?comme vous y allezmais dans ce casvous êtes prié de ne pas déprimer les autressouriez vous êtes filmé -
fièvre
Bénédicte n’irait pas jusqu’à dire que Marcus s’ennuierait ferme dans sa vie s’il n’avait pas un combat à mener, des pancartes à brandir, des indignations à scander. Non, elle n’irait pas jusqu’à penser que sans toutes ces injustices mondiales, la vie de Marcus n’aurait plus de sens. Cependant, force était de constater qu’elle n’avait jamais vu Marcus heureux que dans la fièvre du poing levé. La moindre accalmie le renvoyait à une torpeur plombée et le laissait là, désœuvré, aussi triste qu’une chanson de Christophe un jour de pluie. On avait alors envie de le secouer pour qu’il reprenne vie. Dieu merci, le monde offrait quotidiennement mille nouvelles raisons de s’enflammer pour lui, ce dont on ne pouvait que se réjouir pour Marcus quand on était son amie.
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subversif subventionné
Un jour, le mot « citoyen.ne » finit par complètement remplacer les mots « individu » et « personne » qu’on ne trouvait même plus dans les dictionnaires. L’homme qui ramassait un papier gras sur la plage ne se désignait plus comme « humain », « bipède », « mammifère » mais comme « citoyen responsable au service de la collectivité ». Les programmations des théâtres ne proposaient plus d’œuvres à visée artistique mais des objets idéologiques édifiants propres à éclairer le/la « citoyen.ne-républicain.e ». Les musées croulaient sous les expositions « pédagogiques » et les seuls livres vendus en librairie n’étaient plus que des essais sentencieux destinés à donner des clés pour accéder à un monde meilleur. Chacun agissait pour sa paroisse identitaire et communautaire et l'artiste se voyait peu à peu remplacé par le gentil animateur culturel. La subversion était subventionnée.Bref, tout cela avait bien commencé à complètement foirer à un moment de l’Histoire de l’humanité, mais quand précisément, Marcus n’était pas en mesure de répondre ; il était déjà né quand la poésie elle-même n’était devenue qu’un ramassis de textes conformes aux valeurs normatives de l’époque : érotisme poseur et blabla sociétal. Seule certitude : l’art et la littérature étaient morts depuis longtemps et tout le monde semblait très bien s'en porter.Illustration : « Minuit, l’heure blasonnée » (1961), de Toyen, huile sur toile. -
Toxique
Reconnaître une personne TOXIQUE, ce n'est pas très compliqué contrairement à ce que veulent nous faire croire les magazines psy de tata Jacqueline. Il suffit le plus souvent de se poser devant un miroir, et, oh miracle ! la personne TOXIQUE est là, devant nous, tout sourire, à tout faire pour nous pourrir la vie à l’échelle même d’une journée :Je suis nulle, je vieillis, je suis moche, j’ai mal fait, je ne vais pas y arriver, j’ai oublié mon rendez-vous, je vais encore me faire avoir, je n'ai le temps de rien, j’ai raté mon bus, les vacances sont trop courtes, j’ai trop de travail, j’ai un rhume, Machin a plus de chance que moi, j’ai fait une tache sur mon nouveau chemisier, j’ai un emploi du temps de merde, les diktats de la beauté empoisonnent ma vie, la société est pourrie, les gens sont méchants, les gens sont bêtes, je suis encore tombée sur le mauvais guignol, j’ai pas de chance, le sort s'acharne, je ne trouve plus de moutarde.Oui, la personne toxique, en plus, est bavarde.Et qui nous oblige à écouter ses jérémiades ? Sans rire.Qui ? -
Partout et nulle part
Depuis le début, on essayait de m’enrôler, je le sentais bien.« Femme tu es : tu appartiens à la société des femmes. Rejoins notre combat. » m’a-t-on dit.« Ah bon ? » me suis-je étonnée « A peine suis-je née, dois-je déjà choisir un camp, être en guerre contre quelqu’un ? ».« Et si je déserte, quelle sera ma punition ? » ai-je ajouté (un peu plus tard, le temps d'évaluer la situation sous tous les angles).Des épaules se sont levées « Pffff… ». Je n’y mettais vraiment pas du mien.C'est à ce moment que je suis allée voir ailleurs si j’y étais :j’étais partout et nulle part ; ça me convenait parfaitement.Et le plus beau c'est qu'il y avait là-bas, partout et nulle part, des hommes et des femmes de bonne volonté. -
Action ou Vérité
Dès le début, j'ai trouvé ça débile, le jeu Action ou Vérité. Ceux qui choisissaient Action se retrouvaient le plus souvent à devoir embrasser un autre ado du groupe devant tout le monde.Je finissais toujours par m'endormir sur un sofa, shootée au Malibu. Ma copine Céline me donnait un coup de coude de temps en temps : "P...., Judith, réveille-toi ! Y a Nicolas qui embrasse Mariam !" (Nicolas était très beau et Mariam, tout le monde l'appelait Smarties tellement elle avait des boutons d'acné...). Nul, je vous dis.Mais c'est sûrement là que j'ai commencé à inventer des histoires pour sauver ma peau : je choisissais toujours Vérité et je racontais n'importe quoi. N'importe quoi mais pas n'importe comment.Oui, c'est là que tout a commencé. -
Co-working
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Barouf
Dans ma bibliothèque, parfois, je fais exprès de ranger les uns contre les autres des auteurs qui ne peuvent pas se sentir. Morts ou vivants.Cet auteur aujourd'hui mort ne supporterait pas de côtoyer cet auteur vivant. Cet écrivain vivant n'a que mépris pour cet auteur mort. Cet auteur vivant déteste de notoriété publique cet écrivain vivant. Ces deux poètes morts ne pouvaient pas se voir en peinture.La nuit, il arrive que tout le monde s'engueule. Je suis obligée d'intervenir :- Hé ! Oh ! C'est pas bientôt fini ce barouf !La dernière fois, j'ai entendu grommeler :- Pour qui elle se prend celle-là ?mais quand j'ai allumé la lumière, personne n'a bronché. -
La folle allure
Quand je serai plus vieille qu’aujourd’hui, je voudrais ressembler à cette femme de 83 ans rencontrée cet été en Bretagne et qui avait l’air d’une jeune fille. Non pas parce qu’elle portait un joli short, un beau pull en mohair et des sandales jaunes mais par ce qu’elle dégageait de bonheur de vivre et d’amour pour les autres et pour elle-même. Elle nous a invités à regarder un court métrage dans lequel elle figure, réalisé dans l’année par une très jeune femme. On la voit conter son amour pour un homme de 10 ans de moins qu’elle : « Quand il arrive, je cours vers lui et je me jette dans ses bras ! ». Elle découvre le plaisir de longues heures d’amour physique, d’amour tout court. Ils sont beaux. Âgés et beaux. Parce que vivants, conscients du temps et de la mort - dont elle ne parle pas. Je crois que si l’on employait le mot de « jeunisme » devant elle, cela la ferait doucement sourire ; elle s’en fout. Elle évoque sa voisine « une jeunette de 50 ans » qui pleure beaucoup sur son sort alors qu’elle a la vie devant elle. Elle sourit tendrement.Elle vit, c’est tout ce qui lui importe. Elle aime, elle est aimée. Elle est aimée parce qu’elle aime. Qu’elle a toujours aimé les autres. Elle est infiniment aimable. Il n’y a pas grand-chose d’autre à comprendre. Quand on rencontre une personne de cette qualité, on ne peut que tomber amoureux, amoureuse d’elle quel que soit son âge car il n’existe plus.Nous la quittons, elle reprend son vélo, car elle doit aller acheter du poisson pour elle et son amoureux, pour sa fille qui dînera avec eux. Nous la regardons partir, légère, jambes nues, belle et vive et c’est la phrase d’Annie Le Brun adressée à toutes les femmes hardies et libres qui arrive à moi comme une évidence : « Vous n’avez pas d’âge mais la folle allure de ceux qui n’arrivent jamais ».Lien permanent Catégories : Car parmi tous les souvenirs, Characters, Elles, Humeurs, Portrait 0 commentaire -
Paie ta révolution
Dans les années 2020, "le monde du mannequinat" vit poindre des tentatives de rébellion sporadiques qui consistaient à glisser des femmes âgées, des filles à formes, des filles à poils, des filles handicapées, des filles brûlées, des filles souffrant de vitiligo, des filles naines, dans les défilés de haute couture. Ces profils atypiques commençaient même à apparaitre dans les publicités télévisées et sur les couvertures de magazines féminins.Moi, bêtement, j'attendais le moment où ces nouvelles héroïnes se mettraient à vomir sur le tapis rouge, à cracher sur les créateurs de mode, à agonir d'insultes les spectateurs, à pisser sur le jury, à atomiser le décor de ceux qui les avaient si ostensiblement ignorées durant des décennies. Je pensais qu'une révolution sourde était en germe. Que tout allait exploser à la gueule des sales pourvoyeurs de "beauté" qui, soudainement, pour répondre à une "nouvelle éthique commerciale incluante" organisaient des castings "anti-discrimination" partout sur la planète.Mais que dalle. Je finis par comprendre que les nouvelles recrues voulaient elles aussi faire partie du système. Après avoir craché avec violence sur les grandes gigues stéréotypées qui peuplaient l'"univers de la mode" et, ce faisant, "trahissaient leurs sœurs", elles voulaient "en être" elles aussi. Oui, depuis le début, c'est ce qu'elles voulaient. Bien sûr, interrogées, elles déclaraient avec solennité : " Il faut faire bouger les choses de l'intérieur ". Mais la vérité c'est que des armées de filles de tous genres, de toutes formes, de toutes tailles, de tous âges, jouaient du coude pour offrir leurs corps au Grand Capital qui, tout surpris - n'en demandant pas tant - prenait ce qu'il y avait à prendre. Comme toujours. -
Iole
Tiens, y a La Baronne qui passe.La Baronne, c'est Iole Facca, fille d'immigrés italiens, fille de Virginio, mineur de fond qui faisait semblant de savoir lire mais tenait son journal à l'envers. Elle n'a rien d'une baronne. Elle est juste mariée à Marceau Baron, français du quartier et imprimeur.Il est tombé fou amoureux d'elle alors qu'elle vendait des glaces devant la petite charrette ambulante de ses parents tirée par un cheval malingre. Il l'a aussitôt demandée en mariage (après avoir cassé le nez à un autre prétendant qui achetait trop souvent des glaces). Elle avait quinze ans, lui, dix-neuf. Les parents de Iole ont tout de suite accepté - une bouche de moins à la maison - les siens l'ont mis au ban de la famille.Dans la bouche des autres femmes du coron, elle est devenue "La Baronne", parce qu'elle passe la tête haute, qu'elle porte de petites perles nacrées aux oreilles et du fard sur les pommettes. Elle avance un peu crâneuse aussi, agaçante avec sa taille de brindille et ses airs de dame du monde qu'elle se donne. Alors que, vraiment, y a pas de quoi. C'est juste une fille de ritals. Même qu'après la guerre, les Résistants, ils ont failli la tondre, elle et sa sœur. Parce qu'elles lavaient le linge des boches. Enfin, on sait ce que ça veut dire, hein... D'ailleurs, le réverbère qui a été installé après tout ça devant la porte de Iole, ça ressemblait bien à la lampe rouge des bordels. Enfin, c'est ce qui se dit, ici...L'une de ses sœurs a été institutrice, l'autre, prostituée.Iole Baron-Facca, elle, est morte de la tuberculose dans sa quarante-deuxième année, en 1963. C'est dommage, j'aurais bien aimé la connaître. C'était la mère de ma mère. Elle n'aura pas eu le temps de devenir ma grand-mère. -
La guêpe
La piscine pue la piscine. C’est normal, nous sommes en fin de journée et le chlore ne libère son odeur qu’au contact des bactéries humaines, des sueurs et des urines des nageurs. Et, il y a encore beaucoup de monde en ce début de soirée lourd et orageux. Les baigneurs évoluent tranquillement dans le grand bassin de la piscine du Creusot, nagent au milieu de leurs résidus de peau et de poils.
Quand je descends la petite échelle, elle est là, posée sur l’eau. Bien sûr, elle m’a retrouvée.
La première fois que je l’ai chassée, nous petit-déjeunions, Céline et moi dans le salon, près de la fenêtre de son appartement qui donne sur la rue des Moineaux. Comme je ne suis pas phobique, je suis restée calme, je n’ai pas fait de gestes excités ni poussé de cris, j’ai juste ouvert la fenêtre pour l’aider à sortir puis je l’ai refermée sur elle.
Quelques minutes plus tard, elle est revenue par la porte du salon et s’est dirigée droit sur moi sans hésiter une seconde, sans pratiquer sa danse volante de guêpe qui cherche un endroit pour se poser. Elle a tourné plusieurs fois autour de ma tête. Son bourdonnement furieux semblait me dire : Tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça. Qu’est-ce que tu crois, minable créature ? Où tu iras, j’irai.
Céline voyant mon irritation – car je n’avais pas encore peur, c’est venu plus tard – m’a fait remarquer qu’il y avait beaucoup de guêpes cet été et qu’elles étaient particulièrement agressives.
- Mais tu ne vois pas que c’est la même que tout à l’heure ?!
Elle m’a regardé un peu étonnée et nous n’en avons plus reparlé. J’ai réussi une nouvelle fois à m’en séparer quand elle s’est posée sur une serviette en papier pour lécher une tâche de confiture à l’abricot. Je l’ai emprisonnée sous un verre puis l’ai relâchée à une autre fenêtre de l’appartement afin de la désorienter.
Je ne l’ai pas vue durant quelques heures.
C’est au restaurant où nous déjeunions qu’elle est réapparue.
Cette fois, elle n’a pas tournoyé autour de moi, n’a émis aucun son. Elle est restée durant tout le repas sur le goulot de la carafe d’eau sans bouger une aile, juste comme ça, à m’observer, à me fixer du regard. Je faisais comme si de rien n’était pour ne pas alerter Céline qui semblait ne pas avoir remarqué sa présence mais je gardais un œil sur l’insecte, méfiante. Son impassibilité m’a fait penser aux attitudes des parrains de la mafia dans les films de Scorsese quand ils veulent impressionner leurs adversaires par des silences très longs et une absence de mimiques, juste avant le coup fatal. C’est à cet instant que j’ai commencé à avoir peur. Son calme forcé était autrement plus inquiétant que son ire matinale.
Plus tard, elle m’a attendue dans la cabine d’essayage de la petite boutique dans laquelle j’achetais un maillot de bain, puis elle m’a suivie chez le glacier complètement excitée cette fois, virevoltant comme une folle au-dessus de mes boules coco-citron, ne me laissant aucun répit, suçotant ma glace, revenant toujours plus déterminée quand je la chassais. Il y avait des dizaines de coupes sur la terrasse, c’est la mienne qu’elle avait choisi de harceler. Pas une autre guêpe à l’horizon.
A ce moment-là, j’ai eu des envies de meurtre, je regrettais de l’avoir relâchée le matin-même et j’en étais venue à imaginer des scénarios de torture, des pièges au sirop de grenadine dans lesquels je la regarderais agoniser jusqu’à son dernier battement d’ailes et même des mutilations savantes dans le but de séparer ses ailes de son corps et son corps de sa tête dans laquelle j’aurais, dans un dernier geste vengeur, enfoncé son affreux dard.
- Tiens, ta copine est revenue on dirait ? a plaisanté Céline en dégustant sa menthe-chocolat.
Ça n’avait rien de drôle. Qui sait si le gouvernement n’avait pas lancé des prototypes de drones pour espionner certains citoyens ? Il ne devait pas être difficile de créer de petits insectes volants munis de micro-caméras guidés par un système GPS. Ils en étaient sans doute à l’étape des essais et avaient choisi au hasard des cobayes parmi la population vacancière. Complètement au hasard. Ma vie ne présentait rien d’intéressant à espionner. Ni celle de Céline a priori (mais peut-être était-ce elle qui était visée, au final ?).
Retrouver ma guêpe à la piscine est un soulagement. J’ai besoin d’elle comme preuve. Ma thèse tient. Personne ne nie la prolifération de l’espèce cet été, pas plus que le caractère agressif de leur comportement.
- Y a de sacrés bourdons, aujourd’hui.
Les gars sont là, au bord du bassin. Choisissant entre Céline et moi, nous comparant. Le mâle alpha prend la parole. Pas longtemps. Il s’interrompt au milieu de sa seconde phrase. Il part dans un petit cri ridicule.
- Pute de guêpe, elle m’a piqué !
Je repars en dos crawlé, souriant au ciel. Céline me parle « d’ange gardien ».
Ma guêpe m’accompagne dans mes longueurs. Je jurerais presque qu'elle m’encourage. Du moins, je ressens sa présence ainsi en cette fin de journée. C’est comme si elle et moi étions en communion à présent. L’espionne est-elle aussi une protectrice ? Ces petits robots ailés ont-ils vocation aussi bien à épier et qu’à protéger le citoyen lambda ?
C’est en l’observant à mon tour que j’en saurai plus, me dis-je, lors de la dernière longueur de brasse coulée. Mais à la sortie de la piscine, je ne la retrouve pas et nous passons la soirée sans elle. Plusieurs fois, je pense entendre sa petite musique mais il s’agit d’une mouche puis d’un moustique.
La nuit-même, je fais un rêve. Céline, saisit un livre de Christian Bobin, La Plus que vive, et s’en sert pour écraser violemment ma guêpe posée sur une flaque de glace fondue.
Je me réveille en sursaut. Je suis en nage. C’est la dernière fois que je la reverrai.
Illustration : Céline Papet
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Pointe-Courte
Le chat de la Pointe Courte n'essaie même pas de te séduire.
Il attend le thon de ton assiette, la seiche.
Enfin, tu crois.
Tu lui tends le thon, la seiche. Tu déposes à terre un morceau. Il continue de te fixer. Sans rien dire. Sans bouger.
Il te fixe comme s'il attendait quelque chose que tu dois deviner.
Et que tu ne devines pas.
Tant pis pour toi. Pauvre touriste. -
Diabolo-moules
Gabrielle de la Maisonneuve nous garde, ma sœur et moi, le temps d'un été à Saint-Jouin-Bruneval.
Elle a 18 ans, elle est parisienne, blonde-Dessange et très jolie. Elle porte des robes de tennis en éponge, des bandeaux pour retenir ses cheveux coupés au carré et des bijoux en or.
Ses parents lui ont enjoint de travailler cet été-là chez nous pour voir de près à quoi ressemble la vie des gens du peuple.
Elle me dit qu'elle a un nom à particule parce qu'elle vient d'une famille noble et que, quand elle se mariera, la cérémonie sera annoncée dans Point de vue, Images du monde (je ne sais pas de quoi elle parle, j'acquiesce).
Elle parle de son prochain rallye pour étudiants de la haute société (je pense qu'elle parle de courses de voitures, j'acquiesce.)
Nous garder l'ennuie profondément, ça se voit. Elle ne fait même pas semblant de s'amuser.
Quand elle nous emmène à la mer, elle nous laisse sur la plage et part faire du zodiac avec le maître-nageur. Elle revient au bout d'une heure échevelée et souriante. Ça nous change.
Elle ne comprend pas que mon père se fâche et la fasse raccrocher un jour qu'elle est au téléphone (son petit ami appelle de New-York en PCV depuis plus de 30 minutes).
Un jour de grande tablée joyeuse de communistes, mes parents ont fait des moules-frites. Elle cherche les couverts. Je lui montre comment on mange les moules au Havre : on se sert d'une coquille vide pour pincer la moule d'une autre coquille et on la porte à la bouche. On mange les frites avec les doigts après y avoir jeté du vinaigre. Je la vois pâlir puis quitter la table. Comme on s'inquiète de son absence ma mère va la chercher. Elle la retrouve en pleurs dans le jardin. Elle ne peut pas manger sans couverts entourée de gens qui rient et parlent fort de choses contraires à ses valeurs. Elle s'excuse mais ces mœurs du peuple sont trop grossières pour elle.
Mon père, visiblement insensible aux charmes juvéniles de la noblesse française la surnomme rapidement "La vieille baraque" quand elle a le dos tourné.
- Elle est où la vieille baraque ?
Trois semaines après son arrivée, nous nous quittons tous sans regret.
Enfin presque...
- Elle est où ta baby-sitter ? s'inquiète le maître-nageur.
Le jour où la dernière Clodette est morte, éditions Le Clos Jouve.
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Gratitude
Gratitude envers tous ceux que j’aime,Ça, c’est une évidence,(Quoique je ne l’exprime pas si souvent,Et c’est un tort),Mais gratitude également,envers les autreset surtout ceuxet qui auraient tendance à provoquer en moi un élan de désolidarisation de l’être humain.Gratitude, oui,envers cet homme tout rouge et gesticulant qui joue les petits chefs et m’invite à la compassion pour celui qui semble ne toujours pas avoir compris qu’il allait mourir demain,gratitudeenvers cet homme qui éructe son opinion inébranlable sur ce réseau social, cherchant la polémique, s’acharnant à avoir raison et qui me montre où ne surtout pas placer toute ma précieuse énergie de la journée,gratitude encore,envers cette femme dont la face déformée par la colère et le ressentiment me rappelle de quoi j’ai l’air quand je me laisse aller à l’aigreur et à la rancune,gratitude, oui,envers cette femme qui met son casque sur ses oreilles alors que son petit garçon de trois ans est en train de lui parler, de tester ma capacité à ne pas foutre mon poing dans le nez à tous les personnes dégoûtantes croisées dans la journée,gratitude, gratitude,envers les extrémistes de tous poils qui s’accrochent comme des forcenés à leurs opinions et qui m’indiquent, par là-même, le chemin du doute et de la distance,gratitude encore,envers cet homme qui me prend pour une idiote et qui ne sait pas à quel point je peux l’être vraiment quand je veux,gratitude,envers tous les vivants-morts qui me montrent la voie de la désertion des espaces mortifères et qui, par conséquent, désignent sans le vouloir, celui de la vie,gratitude, oui,envers cette femme pleine de culpabilité et de masochisme (orgueil, orgueil) qui m’apprend à ne pas me mortifier inutilement,gratitude, gratitude,envers cet homme qui fronce les sourcils d’un air exagérément sévère lors de mon entretien et qui me rappelle que tout est un jeu où chacun joue son rôle, rien de plus (vraiment, rien de plus)gratitude envers tous ceux qui me rappellent que je ne suis pas grand-chose, ou si peu, et qui m’indiquent, chaque jour un peu plus,la direction de mes priorités vitales,de moins en moins nombreuseset que je peux compteraujourd’huisur les doigtsd’une seule main.Oh oui,gratitude. -
Moche
Brutus était en lice pour le prix du "Chien le plus laid du monde" auquel son maître, Marcus, l'avait inscrit sans lui demander son avis. D'après quels critères ? Il se trouvait fort beau.Il y a fort à parier, pensa le canidé, que si j'avais inscrit Marcus au prix de "L'Humain le plus moche du monde", il en aurait été désigné d'office le vainqueur sans avoir même à concourir.Brutus arriva à la troisième place et se réjouit intérieurement de la mine dépitée de son maître qui le rendait encore plus vilain. -
Vie d'auteure...
Constatant que beaucoup d’hommes accompagnaient leurs textes littéraires ou poétiques de photos de jeunes filles sexy (mais touchantes), je me suis dit que je serais sans doute avisée de faire la même chose : joindre à mes textes des photos de jeunes hommes sexy (mais touchants). Cela les rendrait sans doute plus attractifs (mes textes).C’est en me rendant compte que je passais plus de temps à sélectionner des images qu’à écrire que j’ai finalement abandonné cette idée pourtant brillante.Le problème, c’est que, depuis, les algorithmes m’envoient tous les jours des photos de calendrier de pompiers ou du club d’aviron voisin. Pas facile la vie d’auteure…(merci à Joséphine Caraballo pour le prêt d'image) -
Les âges
Nous essaierons de voir nos enfants dans tous les âges de leur vie.En l’adolescent rebelle, le vieillard déjà là, avec son beau visage fané et ses cheveux blancs.Dans le jeune adulte un peu perdu, le bébé qu’il a été, couché contre notre sein au moment de la sieste commune.Ainsi, nous le verrons aujourd’hui comme il était hier, fragile petite créature, et comme nous l’imaginons demain, avec ou sans nous à ses côtés, en homme, en femme, arrivés au bout d’une vie qui ne se limite pas aux peurs et aux éclats du jour. -
Boule à neige
Je vis dans une boule à neige. Il n’y fait ni chaud ni froid. J’ai un époux, qui porte une chemise à carreaux, et un enfant qui tient un chien avec une laisse. Ils sont à côté de moi, à ma droite. Mon mari ne tient pas ma main mais une hache dont il ne se sert pas. Nous sommes debout devant un chalet en pin nordique sur lequel est inscrit le mot « CHALET ». Le chien semble à l’arrêt comme s’il guettait une proie. Si vous approchez votre visage du plexiglas, vous verrez un petit lapin blanc au pied d’un sapin situé derrière le chalet. Le chien ne l’a jamais attrapé. Mon enfant ne sourit pas, il tient la laisse. Mon mari tient une hache. Moi, je ne fais rien de spécial. Mes mains sont posées sur un tablier vert posé sur une robe rouge. Nous ne sommes ni heureux ni malheureux. J’attends que la neige tombe. C’est de plus en plus rare.
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Bad boys
A presque 45 ans, Pamela fantasmait encore sur les bad boys, les mecs rock'n'roll comme elle disait, un peu poètes un peu trash (elle kiffait les mots fuck et éjaculation dans la poésie), mais, en cachette, elle lisait avec une grande assiduité son horoscope guettant tous les signes d'une romance à l'eau surannée de rose. Elle voulait "qu'on l'aimât pour ce qu'elle était" (comme Bridget Jones dans Le Journal). En fait, elle rêvait secrètement l'avénement d'un Mark Darcy tout en passant son temps à tenter de séduire tous les Daniel Cleaver de passage.
Où cette quête contradictoire allait-elle bien la mener ?
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Allô
En 2022, on ne distinguait plus les personnes qui parlaient toutes seules dans la rue de celles qui parlaient à un téléphone invisible - grâce à des oreillettes invisibles. Et, quand on prenait le temps d’écouter ce que ces locuteurs-là disaient, on se rendait rapidement compte qu’eux aussi ne faisaient que se parler à eux-mêmes, quand ils semblaient s’adresser à un interlocuteur. De longs, indigents, ennuyeux, pénibles soliloques se faisaient écho dans les avenues, les centres commerciaux et les transports en commun. Y avait-il quelqu’un au bout du fil ? Rien n’était moins sûr. Peut-être le récepteur de l’appel avait-il déjà posé depuis longtemps son smartphone dans un coin de la pièce et vaquait à ses occupations sans prêter l’oreille au discours sans fin de l’appelant, mais le plus probable était que l’appelé lui-même déroulait en réponse un monologue interminable sans attention pour le galimatias de son correspondant.2022 correspondait à une acmé de l’ère du blabla ; et ceux qu’on considérait à présent comme les fous ancestraux – les causeurs solitaires - étaient beaucoup moins inquiétants que la nouvelle engeance de jacteurs automatisés qui avait zombifié la ville. -
Le prince trisomique
François est un adolescent roux, trapu et trisomique. Il a deux ou trois ans de plus que moi. Chaque fois que j’arrive chez lui accompagnée de ma tante Denise et de mon oncle Jean qui sont les voisins de ferme de ses parents, sa mère crie au seuil de la porte : François, ta petite fiancée est là ! et tous les adultes rient. Il arrive en courant et en battant des mains et se précipite sur moi pour embrasser mes deux joues en maintenant fermement mes épaules. Comme il passe son temps à sucer des friandises, ses baisers sont humides et collants. Sa mère lui plante sans répit sucettes, sucres d’orge et bonbons dans la bouche comme si l’arrêt du gavage pouvait lui être fatal. Même quand je frotte ma peau avec ma main, ça ne part pas. Même dans la salle de bain avec de l’eau et du savon, ça reste. Je suis tatouée au sucre jusqu’au coucher. Un jour, il m’embrasse sur la bouche et tout le monde s’en amuse. Du coup, il recommence en me saisissant les épaules avec son enthousiasme brutal. Il applique sa grosse bouche molle couverte de salive sucrée sur mes lèvres. Je n’ose rien dire parce qu’il est « mongolien » et « qu’il n’est pas méchant ». Après, on reste à table pendant une heure, c’est l’heure du goûter. A François et à moi, on sert du sirop de menthe dans de l’eau. Beaucoup de sirop, peu d’eau. Les adultes boivent des liqueurs d’eau de vie ou du calvados. Je n’aime pas la menthe à l’eau mais je n’ose rien dire « parce qu’on est invités ». La mélodie du Big Ben annonce chaque nouveau quart d’heure, la boite en métal avec la photographie du Mont Saint-Michel sur laquelle est inscrite « Galettes bretonnes » est toujours la même et semble sans fond, la table cirée à carreaux rouges et blancs colle sous mes mains. Dans cette maison tout suinte. J’ai l’impression qu’au moment du départ mes fesses vont rester attachées à la chaise, retenues par des filaments de sucre. Les poignées de porte, la chasse d’eau, les murs, les rideaux, chaque objet est un piège sucré comme celui qui tombe en spirale au-dessus de la table et sur lequel viennent agoniser les mouches. C’est une maison Hansel et Gretel. Je m’imagine séquestrée dans la grange familiale par la Reine du Sucre m’obligeant à ingurgiter à toutes les heures du jour et de la nuit, gâteaux, sorbets et morceaux de sucre Candy. Le Prince trisomique essaie de me délivrer par toutes sortes de stratagèmes mais sa mère finit par l’enchaîner à la grande poutre centrale et le badigeonne de sirop de menthe que de grosses mouches noires viennent lécher de leurs trompes. Pendant ce temps-là, les grands parlent des bêtes, du foin, des gens du hameaux et du temps qu’il fait. Il y a toujours un moment où François insiste pour me montrer sa chambre mais je refuse en prétextant que je n’ai pas fini mes biscuits et ma menthe à l’eau. « Il ne va pas te manger » dit sa mère. Elle a presque l’air fâchée.
Un jour, j’arrête d’aller chez les Morlin car je déménage à Lyon et que je ne vais plus en vacances chez ma tante Denise. Lors de notre dernière visite, je ne peux pas dire au revoir à François car il est puni dans sa chambre pour avoir mis le feu à la grange familiale. J’embrasse mon Prince trisomique de loin.
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N.T.M. à l'éventail
- Vous écoutez du rap, madame ?
- Oh, vous savez, moi je suis de la génération N.T.M...
- Je connais !
- Ça veut dire quoi N.T.M, madame ?
- NIQUE TA MÈRE, Malik.
- Ouahahaha ! Elle t'a dit "Nique ta mère" !
- Je savais c'était quoi. C'était pour vous l'entendre dire.
- Et quel est l'effet sur l'auditeur, Malik ?
- Bizarre. Ça va pas trop avec votre éventail... -
Pigeons
Avez-vous remarqué que les pigeons citadins empruntent de plus en plus souvent les passages piétons ? Je jurerais même que celui-là même croisé ce matin a effectué un mouvement de tête latéral inquiet et s'y est repris à deux fois avant d'oser s'engager sur la chaussée.
J'augure mal de ce temps plein de précautions.
Ces derniers mois, même les poubelles semblent rétives à déborder dans mon quartier.Les Gens ne se rendent pas compte, Les Éditions le Clos Jouve.
https://editions-leclosjouve.org/all_page.asp?page=62&article=187
photographie : Alexey Bednij
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La catastrophe
On ne la voit pas toujours venir la catastrophe
dit-elle
ça dépend de l'angle de vue
ça dépend de la position du corps dans l'espace
pourtant y a des signes
disent-ils
y a toujours des signes
à la catastrophe à venir
quoi ?
un ongle cassé ?
une cheveu blanc sur le lavabo ?
la tache de dentifrice sur le pull
qu'on gratte pendant la réunion ?
Soyez plus clairs
dit-elle
Vous le saurez le signe
disent-ils
tenez, vous le sentirez physiquement,
un souffle sur la nuque
une douleur au genou
une sensation de brûlure sur la plante du pied
du pus dans l’œil
juste un peu
une paralysie furtive du coin gauche de la bouche
une paralysie furtive du coin gauche de la bouche ?
dit-elle
Ce sont des images
ne nous prenez pas au pied de la lettre
tout cela n'est pas bien grave
La catastrophe est peut-être déjà là
si cela peut vous rassurer
et vous ne la voyez même pas
Ce ne sont peut être pas des signes que vous devez chercher
mais les traces mêmes de la catastrophe
ici et maintenant
Tenez, votre chat vient de passer trois fois sa patte sur son oreille droite
une mite alimentaire est en train de pondre ses œufs dans le paquet de céréales bio
la fissure du plafond du salon ne cesse de s'étirer
vos cellules déclenchent elles-mêmes quotidiennement leur auto-destruction
Choisissez VOTRE catastrophe une fois pour toutes
et n'ayez pas la présomption d'en souhaiter d'autres
il en faut pour tous
disent-ils.
Les gens ne se rendent pas compte, Éditions le Clos Jouve, 2022.
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c'est signé
Joe sentit son portable vibrer dans sa poche. Sa femme lui envoyait le dialogue entier de la conversation amoureuse qu’il venait d’avoir avec Barbara à la terrasse de ce café sétois. Tous les mots étaient presque exactement retranscrits. Il tendit l’écran à Barbara qui regarda paniquée autour d’elle. Elle ne tarda pas à découvrir Bénédicte, deux terrasses plus loin qui leur fit un petit geste de la main : « Coucou ! » et signa un : « A ce soir, mon chéri !» avant de re-suçoter la paille de son Schweppes.Les couples adultères ne sont jamais assez prudents ; les couples adultères sourds et muets doivent redoubler de vigilance… -
La Belle et la Bête
Greta Garbo, regardant La Belle et la Bête de Cocteau, s'est écriée à la fin du film, voyant apparaître la Bête sous les traits de Jean Marais :"Rendez-moi ma magnifique bête !".