Gratitude envers tous ceux que j’aime,
Ça, c’est une évidence,
(Quoique je ne l’exprime pas si souvent,
Et c’est un tort),
Mais gratitude également,
envers les autres
et surtout ceux
et qui auraient tendance à provoquer en moi un élan de désolidarisation de l’être humain.
Gratitude, oui,
envers cet homme tout rouge et gesticulant qui joue les petits chefs et m’invite à la compassion pour celui qui semble ne toujours pas avoir compris qu’il allait mourir demain,
gratitude
envers cet homme qui éructe son opinion inébranlable sur ce réseau social, cherchant la polémique, s’acharnant à avoir raison et qui me montre où ne surtout pas placer toute ma précieuse énergie de la journée,
gratitude encore,
envers cette femme dont la face déformée par la colère et le ressentiment me rappelle de quoi j’ai l’air quand je me laisse aller à l’aigreur et à la rancune,
gratitude, oui,
envers cette femme qui met son casque sur ses oreilles alors que son petit garçon de trois ans est en train de lui parler, de tester ma capacité à ne pas foutre mon poing dans le nez à tous les personnes dégoûtantes croisées dans la journée,
gratitude, gratitude,
envers les extrémistes de tous poils qui s’accrochent comme des forcenés à leurs opinions et qui m’indiquent, par là-même, le chemin du doute et de la distance,
gratitude encore,
envers cet homme qui me prend pour une idiote et qui ne sait pas à quel point je peux l’être vraiment quand je veux,
gratitude,
envers tous les vivants-morts qui me montrent la voie de la désertion des espaces mortifères et qui, par conséquent, désignent sans le vouloir, celui de la vie,
gratitude, oui,
envers cette femme pleine de culpabilité et de masochisme (orgueil, orgueil) qui m’apprend à ne pas me mortifier inutilement,
gratitude, gratitude,
envers cet homme qui fronce les sourcils d’un air exagérément sévère lors de mon entretien et qui me rappelle que tout est un jeu où chacun joue son rôle, rien de plus (vraiment, rien de plus)
gratitude envers tous ceux qui me rappellent que je ne suis pas grand-chose, ou si peu, et qui m’indiquent, chaque jour un peu plus,
la direction de mes priorités vitales,
de moins en moins nombreuses
et que je peux compter
aujourd’hui
sur les doigts
d’une seule main.
Oh oui,
gratitude.