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Iole

Tiens, y a La Baronne qui passe.
 
    La Baronne, c'est Iole Facca, fille d'immigrés italiens, fille de Virginio, mineur de fond qui faisait semblant de savoir lire mais tenait son journal à l'envers. Elle n'a rien d'une baronne. Elle est juste mariée à Marceau Baron, français du quartier et imprimeur.
    Il est tombé fou amoureux d'elle alors qu'elle vendait des glaces devant la petite charrette ambulante de ses parents tirée par un cheval malingre. Il l'a aussitôt demandée en mariage (après avoir cassé le nez à un autre prétendant qui achetait trop souvent des glaces). Elle avait quinze ans, lui, dix-neuf. Les parents de Iole ont tout de suite accepté - une bouche de moins à la maison - les siens l'ont mis au ban de la famille.
 
   Dans la bouche des autres femmes du coron, elle est devenue "La Baronne", parce qu'elle passe la tête haute, qu'elle porte de petites perles nacrées aux oreilles et du fard sur les pommettes. Elle avance un peu crâneuse aussi, agaçante avec sa taille de brindille et ses airs de dame du monde qu'elle se donne. Alors que, vraiment, y a pas de quoi. C'est juste une fille de ritals. Même qu'après la guerre, les Résistants, ils ont failli la tondre, elle et sa sœur. Parce qu'elles lavaient le linge des boches. Enfin, on sait ce que ça veut dire, hein... D'ailleurs, le réverbère qui a été installé après tout ça devant la porte de Iole, ça ressemblait bien à la lampe rouge des bordels. Enfin, c'est ce qui se dit, ici...
 
    L'une de ses sœurs a été institutrice, l'autre, prostituée.
 
   Iole Baron-Facca, elle, est morte de la tuberculose dans sa quarante-deuxième année, en 1963. C'est dommage, j'aurais bien aimé la connaître. C'était la mère de ma mère. Elle n'aura pas eu le temps de devenir ma grand-mère.
 
 

 

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