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subversif subventionné

Un jour, le mot « citoyen.ne » finit par complètement remplacer les mots « individu » et « personne » qu’on ne trouvait même plus dans les dictionnaires. L’homme qui ramassait un papier gras sur la plage ne se désignait plus comme « humain », « bipède », « mammifère » mais comme « citoyen responsable au service de la collectivité ». Les programmations des théâtres ne proposaient plus d’œuvres à visée artistique mais des objets idéologiques édifiants propres à éclairer le/la « citoyen.ne-républicain.e ». Les musées croulaient sous les expositions « pédagogiques » et les seuls livres vendus en librairie n’étaient plus que des essais sentencieux destinés à donner des clés pour accéder à un monde meilleur. Chacun agissait pour sa paroisse identitaire et communautaire et l'artiste se voyait peu à peu remplacé par le gentil animateur culturel. La subversion était subventionnée.
 
Bref, tout cela avait bien commencé à complètement foirer à un moment de l’Histoire de l’humanité, mais quand précisément, Marcus n’était pas en mesure de répondre ; il était déjà né quand la poésie elle-même n’était devenue qu’un ramassis de textes conformes aux valeurs normatives de l’époque : érotisme poseur et blabla sociétal. Seule certitude : l’art et la littérature étaient morts depuis longtemps et tout le monde semblait très bien s'en porter.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Illustration : « Minuit, l’heure blasonnée » (1961), de Toyen, huile sur toile.

 
 
 

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