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  • l'arbre sans vent


     
    Je regarde parfois cet arbre dont les feuilles dansent secouées par le vent devant ma fenêtre en imaginant quelques secondes que le vent n’existe pas.
     
    Le vent n’existe pas mais les feuilles bougent cependant.
     
    Cela ne va pas de soi.
     
    J’ai dû m’y reprendre plusieurs fois parce qu’au début j’avais du mal à me départir de l’idée du vent. Je savais qu’il était là.
     
    Et pourtant, le vent n’est perceptible - en dehors de sa musique quand il se frotte à la matière - que par l’agitation des éléments qu’il fait se mouvoir. Posez un double vitrage entre vous et lui ; plus aucun son ne vous parviendra et vous n'aurez accès qu'au le balancement des feuilles et des branches.
     
    Alors, au bout de quelques tentatives - trois, quatre, cinq - l’arbre finit par danser seul. Le vent n’existe plus.
     
    L’arbre devant la fenêtre crée sa propre chorégraphie dans l’espace, juste pour vous. C’est le moment où il faut l’applaudir pour le remercier de ce spectacle prodigieux et rare.
     
    Avant que l’appréhension du vent ne revienne. Parce qu’elle revient.
     
    Oui, je vous ai prévenus, c’est un exercice difficile.

  • Longtemps, il pensa que si sa poésie était fade, c'était parce qu'il ne souffrait pas suffisamment

    Longtemps, il pensa que si sa poésie était fade, c'était parce qu'il ne souffrait pas suffisamment. Il n'avait même pas eu la chance de vivre une enfance calamiteuse comme certains de ses confrères. Considérant que sa vie n’était pas assez pourvoyeuse de malheurs, il décida, un jour, de tremper sa plume dans le sang de scarifications qu’il prenait soin de s’infliger quotidiennement à l’aide d’une petite lame de rasoir bien affutée. Comme il n’avait pas eu soin de l’aseptiser régulièrement, il chopa une vilaine septicémie et son corps fut bientôt recouvert de cicatrices purulentes à vif.
     
    Il souffrit beaucoup. Beaucoup. Étrangement, sa poésie ne s’en trouva ni pire ni meilleure.