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où est le problème ?

Elle vivait confinée depuis l’âge de trente ans, cela n’avait donc pas changé grand-chose à sa vie de se voir interdire du jour au lendemain, l’accès aux rues, aux jardins, aux squares, aux voyages. Elle travaillait à domicile et maitrisait mieux que quiconque toutes les nouvelles technologies du numérique, les salons de discussion, les outils de visio-conférence qui lui permettaient depuis des années de rester en lien avec les membres de l’équipe de son entreprise. L’ensemble home cinéma-enceintes high-tech qu’elle s’était offert pour ses trente-cinq ans mettait à sa portée, et dans des conditions exceptionnelles de réception, tous les supports culturels dont elle rêvait : livres, films, séries, musiques, concerts, visites guidées dans les musées... Elle écrivait, jouait de la guitare, chantait, partageait ses créations. Sur YouTube le nombre de ses fans ne cessait d’augmenter de manière exponentielle.  Elle aimait cuisiner avec des ingrédients importés du monde entier et inventait chaque jour de nouvelles recettes qu’elle partageait sur son blog « Cuisines du monde à domicile ». Elle avait une hygiène de vie parfaite et était abonnée à des séances de sport en ligne : Pilates, Yoga et body bump. Elle se tenait informée des événements planétaires et participait activement à la sauvegarde des espèces végétales et animales en militant à distance dans une O.N.G qui l’avait élue « membre le plus actif de l’année 2017 ». Elle avait applaudi tous les soirs le personnel soignant à 20 heures lors du premier confinement, reconnaissante du travail effectué même si elle ne sentait pas personnellement menacée par la maladie puisqu’elle n’était plus en contact physique avec personne depuis bien longtemps. Elle rencontrait des hommes et femmes sur les réseaux sociaux ou sur des sites de rencontre. Elle faisait l’amour grâce à un casque virtuel très sophistiqué et inventait des scénarios chaque fois inédits, dans des lieux que le monde extérieur n’aurait pu lui offrir, avec des personnages qu’elle n’aurait pu rencontrer dehors. Parfois, cela arrivait, elle tombait amoureuse et vivait des idylles tout à fait satisfaisantes. Au moment des ruptures, son chat Kafka la consolait.

Bref, elle ne comprenait pas pourquoi le monde entier faisait toute une histoire de ces épisodes de confinement à répétition. Si, comme elle ces dix dernières années, chacun s'était organisé pour vivre cloîtré la pandémie n’aurait pas eu lieu et on ne serait pas en train de s'angoisser à l'idée d'une potentielle fin du monde.

 

 

 

Illustration : Felice Casorati. ~ Daphne at Paravola, 1934, Galleria Civica d’arte moderna, Turin.

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