J'ai été un enfant, les photos en noir et blanc l'attestent.
Mes amis aussi ont tous été des enfants, j'en ai maintenant la preuve.
Quand je vois leurs regards, leurs moues, leurs sourires, leurs grimaces, je me plais à imaginer une grande cour de récréation dans laquelle nous aurions fait connaissance à l'âge de nos photographies.
Je fantasme une grande journée durant laquelle nous aurions eu le temps de nous rencontrer, jouer à l'épervier, au foot, à l'élastique,
où nous aurions pu nous battre, nous disputer, tomber amoureux, tricher, faire des clans, pleurer, bouder, nous réconcilier,
où nous aurions fait des rondes, des croche-pieds, rapporté à la maîtresse, dit "t'es ma meilleure amie", dit "t'es plus ma meilleure amie", dit "celui qui ment va en enfer".
A la tombée de la nuit, on se serait embrassés : Au revoir. A dans 10, 20, 30 ou 40 ans. Selon.
Et l'on se serait reconnus, un jour, sans hésiter une seule seconde, juste à nos regards
dont pas un n'a changé.