Les groupes de rock ne devraient pas vivre plus de dix ans. On dit que Yoko Ono est à l’origine de la séparation des Beatles. Je dis : il était bien temps.
On a vite fait de s’ankyloser à trainer dans les mêmes lieux trop longtemps. L’air est saturé des mêmes particules de peaux mortes qu’on absorbe à notre insu, on devient les cannibales les uns des autres, on s’étouffe de trop de présence familière et l’on devient méchant ; j’en ai vu cracher sur leur sœur ou leur frère incestueux, médire, frapper sournoisement. J’ai vu des coalitions de tous contre un, des tentatives de meurtre, des mensonges, des lynchages collectifs, des jalousies non avouées, des tromperies sexuelles, des ricanements féroces, des coups bas. Les premières années sont idylliques, les dernières sont pathétiques.
La plupart des groupes, des bandes, des collectifs, des communautés, des familles inventées sont des bombes à retardement, des bombes à fragmentation aux éclats meurtriers. Rien ne sert de chercher le coupable : il est chacun de nous pris dans les rets du lien dysfonctionnel.
A la fin, combien en reste-t-il de ceux qui s’étaient promis une fidélité sans faille, une amitié sans défaut ? Deux ou trois survivants qui continuent d’avancer vaille que vaille clopin-clopant sur le champ de mines, trop habitués à leur camp pour penser en déserter.