Un jour, à Saint-Jouin-Bruneval, village normand proche du Havre dans lequel nous sommes surnommés « Les Communistes », la maman d’une fillette de mon âge vient annoncer à ma mère que sa fille Katia a lu avec moi et chez nous des « livres pornographiques », qu’elle en a parlé à table et en paraissait très choquée. Ma mère, interloquée s’interroge (se demandant, un instant, si mon père ne dissimule pas des revues érotiques sous le matelas). Je dois me résigner à aller chercher les objets obscènes et licencieux : des bd de Lauzier, M. Veyron, Bretecher et quelques Hara-Kiri devant lesquels nous avons gloussé durant quelques minutes cachées derrière le canapé deux jours auparavant.
La maman de Katia demande expressément que ces livres soient hors d’atteinte et de vue quand la petite viendra chez nous, menaçant ma mère de ne plus autoriser sa fille à se rendre dans notre famille si cette condition n’est pas respectée.
« Votre fille ne viendra donc plus chez nous, car je me refuse à toute censure littéraire et artistique dans ma maison »
Le lendemain, dans le village, notre dénomination clanique s’est enrichie de l'épithète "dépravés".