- Tu dois marcher en ayant conscience de l’espace de ton corps, refais-le.
Je me concentre sur l’expression « l’espace de ton corps » et je traverse la salle pour la deuxième fois devant le groupe de profs inscrits à la formation : La conscience du corps et de la voix dans l’espace-classe.
- Tu n’as pas bien entendu. Je te demande de marcher « dans ton corps ». Traverse l’espace en étant « dans ton corps », tu comprends ? répète la comédienne quadra, bras croisés, sourire de traviole, ruban doré emmêlé dans une chevelure rouge et bouclée d’où jaillissent d’énormes boucles d’oreilles en plastique jaune.
Je recommence, docile, un pas devant l’autre, tentant de saisir les limites de mon corps dans l’espace, de l’espace de mon corps, de l’espace en dehors de mon corps, de mon corps traversant l’espace.
J’entends les bâillements d’un stagiaire à mon troisième passage.
- Non, décidément, tu ressembles à une enveloppe vide.
Je me demande si c’est parce qu’elle a été virée dès le premier tour du casting de la dernière pièce de Schiaretti au TNP ou si c’est parce qu’elle n’est pas arrivée à atteindre ses 507 heures ou si c’est parce que sa carrière de comédienne commence à se limiter à des formations en direction de fonctionnaires de l’Education nationale qu’elle me parle comme à une merde depuis le début du stage.
Elle traverse la pièce avec ses cheveux rouges et ses boucles jaunes, les bras le long du corps, les épaules basses, la tête droite :
- Vous voyez, c’est ça : « marcher dans son corps ».
Commentaires
Aïe ïe aïe... j'en ai connu des comme ça... c'est consternant. C'est peut-être aussi que c'est la première fois qu'elle travaille pour l'éducation nationale et qu'elle a appris qu'elle ne sera pas payé avant six moix et que ses heures ne seront pas comptabilisées comme cachets
Payée avant six mois
Qui sait ? c'est une option que j'aurais pu ajouter, en effet ! Bises Kwarkito.